Financement occulte : la Sarkozye s’enfonce dans les sables de Libye

Charlie Hebdo – 28 mai 2014 – Laurent Léger
Sarkozy s’inquiète de l’avancée des investigations judiciaires sur le financement présumé de sa campagne par Kadhafi
sarkozy-kadhafiA-t-il touché ou pas ? L’argent sale du dictateur libyen a irrigué pendant des années partis politiques, gouvernants et opposants, en Europe comme en Afrique, et le nom de Sarkozy revient, sans relâche, comme celui d’un éventuel bénéficiaire. Les écoutes téléphoniques publiées il y a deux semaines révèlent en tout cas un ex-président inquiet, cherchant à se renseigner sur ce que ses accusateurs savent exactement, ou sur ce qu’ils s’apprêtent éventuellement à révéler, sollicitant au téléphone tous ceux ceux qui, de près ou de loin, s’intéressent à Tripoli ou y ont des contacts, hauts fonctionnaires, comme le patron de le DGSI [Direction générale de la sécurité intérieure, ex-DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur], le contre-espionnage], ou autres, de manière empressée, voire gênante Le souci, c’est que les lignes étaient branchées…
L’ancien monsieur Afrique d’EADS  (Airbus Group aujourd’hui) fut ainsi requis. Philippe Bohn connaissait les élites de l’ancien régime de Tripoli et avait « traité » deux des fils de Kadhafi, Saif et Saadi, pour leur vendre avions et missiles (près de 4 milliards de contrats…). Ce proche de Madelin, qui s’est retrouvé affublé de l’étiquette de « combinard » par l’ancien président dans les écoutes, avait pourtant mouillé sa chemise pour cet ingrat de Sarko.
Guéant, encore et toujours…
En août 2011, en pleine guerre civile, Bohn avait ainsi fait le voyage à Tripoli, afin de rencontrer Saadi Kadhafi, de lui offrir une porte de sortie en France et de voir un peu ce qu’il avait en tête… « Les responsables du renseignement à l’Élysée et la DGSE [Direction générale de la sécurité extérieure] étaient parfaitement au courant et suivirent la mission de près », confie un spécialiste à Charlie. Accueilli à Paris, c’est sûr que Saadi  ne se serait pas risqué à faire le mariole avec des déclarations intempestives sur le fric donné à Sarkozy, contrairement à son frère Saif- al-Islam… Mais le fiston préféra s’exiler au Niger.
Bohn, spécialiste du continent noir, était aussi allé à un rendez-vous organisé par la DGSI, avec Nouri el-Mismari, l’ancien chef du protocole de Kadhafi, qu’il connaît bien. Installé en France dès 2010, Mismari, l’un des premiers kadhafistes à avoir fait défection, est « traité » par les services comme toute personnalité étrangère sensible. Il aide aujourd’hui les entreprises voulant faire des affaires à Tripoli à voir plus clair dans l’imbroglio local. En 2013, au moment où Sarkozy s’inquiète tant des avancées de l’enquête sur les présumés financements de Kadhafi, la cellule Libye du contre-espionnage cherche aussi à savoir ce qu’il a dans le ventre. Bohn fut appelé à la rescousse pour valider, ou pas, les propos de l’intéressé.
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Si les flics manquent encore d’éléments objectifs pour « accrocher » Sarkozy, la perquisition, en mars, dans les locaux d’Airbus Group ne sent pas très bon pour Claude Guéant. Les enquêteurs ont demandé tous les contrats que le groupe avait conclus avec la Libye, ainsi que les papiers relatifs aux consultants, ces intermédiaires qui aient à emporter les grands marchés, parfois en mettant de l’huile dans les rouages – une autre façon de parler de corruption ou de rétrocommissions…
Le souci, c’est que, dans le cadre de la vente de vingt Airbus à Tripoli, Guéant s’était entremis pour faire pression sur le patron du groupe, Marwan Lahoud, envoyant à ce dernier des SMS comminatoires lui intimant l’ordre, comme le rapporte un interlocuteur de Charlie, de « respecter [ses] obligations contractuelles« . Traduction : « Vous avez intérêt à donner la commission promise ! » Une commission de 12 millions d’euros – décomposée en 8 millions pour les contrats libyens et 4 pour un marché avec l’île Maurice -, décidée dans le plus grand secret au sommet du groupe, aurait été en effet promise à quelque personnalité ou porte-valise.
Pour le compte de qui agissait Guéant ? Selon le livre du journaliste Pierre Péan La République des mallettes, il s’agit d’Alexandre Djouhri, un intermédiaire proche de Villepin et de Squarcini, considéré comme l’homme à tout faire de la Sarkozye. Le jour de 2006 où fut fêtée la signature officielle du contrat Airbus, au salon aéronautique de Farnborough, Djouhri figurait à table aux côtés de Bechir Saleh, un proche parmi les proches de Kadhafi, de cadres d’Airbus et de responsables de la compagnie aérienne nationale. Aucun contrat n’aurait été signé avec Djouhri par la direction Afrique du groupe, mais une discrète tirelire dédiée aux basses œuvres de la société aurait-elle été délestée du montant de la commission ? Ce jour de 2006, en tout cas, Djouhri a trinqué à la vente des avions? Et peut être aussi à sa propre fortune…
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Décidément, les comptes de frais campagne du candidat Sarkozy, rejetés ensuite par le Conseil constitutionnel, pour dépassement, ne sont pourtant que la partie officielle émergente d’un énorme détournement financier.
« La politique, c’est l’art de servir les hommes en leur faisant croire qu’on les sert. » Voltaire

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