Européennes : Arrivée en tête du scrutin Nigel Farage s’engage à « débarrasser » le Royaume Uni de l’Union européenne

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LE MONDE | 26.05.2014  | Par Marion Van Renterghem (Southampton, envoyée spéciale

« Le renard UKIP est dans le poulailler de Westminster »

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Il a le triomphe modeste : cela fait partie du personnage qu’il s’est savamment construit. « Well, I’m delighted » (« Je suis ravi »), a dit Nigel Farage d’un air impassible en contemplant les résultats des élections européennes, dimanche 25 mai, alors même qu’il venait de susciter le « tremblement de terre politique » qu’il avait lui-même désiré et prédit.
Le chef du petit Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP), député à Bruxelles depuis 1999, n’a jamais été élu à la Chambre des communes et fédère 35 000 membres autour de lui. Il vient de réussir l’exploit de sa vie : faire du UKIP le premier parti britannique au Parlement européen. Avec 29 % des voix, il dame le pion aux trois partis de l’establishment : conservateurs (24 %), travaillistes (24 %) et libéraux-démocrates (Lib-Dem, 8 %). Il est aujourd’hui, de fait, avec la présidente du Front national, Marine Le Pen, un porte-voix puissant dans ce nouveau Parlement de Strasbourg, l’instigateur en chef de la vague populiste et europhobe qui laisse l’Europe KO debout.
Cette soirée du 25 mai, Nigel Farage l’a passée sans façons : à l’hôtel de ville de Southampton, parmi les candidats des différents partis dans cette région du sud-est de la Grande-Bretagne qui l’élit pour la quatrième fois consécutive au Parlement européen.
« CE SONT DEUX AVERTISSEMENTS »
aNigel_Farage_MEP_1,_Strasbourg_-_DiliffVictorieux, il n’a rien changé son image de gentleman populiste : un buste très droit en toutes circonstances et une courtoisie appuyée que viennent interrompre de gros rires bruyants, si possible la pinte de bière à la main. Il a contemplé avec magnanimité le succès de ses efforts : l’énumération répétée des trois fléaux qui selon lui assaillent le peuple britannique – l’immigration, l’Union européenne et les partis gouvernementaux, aussi ineptes que l’est « l’UMPS » pour Mme Le Pen.
Il était aussi assez content de sa trouvaille, formulée juste avant l’élection : « Le renard UKIP est dans le poulailler de Westminster ». Le renard, c’est lui. Le poulailler, ce sont les députés de la coalition gouvernementale conservatrice et Lib-Dem comme de l’opposition Labour. Nigel Farage est doublement en position de force : avant les élections européennes, il a remporté un succès relatif aux élections locales qui ont eu lieu au Royaume-Uni jeudi 22 mai : 150 sièges de conseillers pour le UKIP qui n’en avait que deux. « Ce sont deux avertissements », menace-t-il.
Le chef du UKIP laisse planer le suspense sur sa propre candidature à la Chambre des communes, aux élections législatives de mai 2015. Personne n’est dupe : le UKIP n’obtiendra pas des scores semblables lors d’un scrutin général, considéré comme plus vital pour les électeurs et où la question européenne redeviendra marginale. Mais il compte en revanche utiliser cette double victoire comme un moyen de pression sur David Cameron, Ed Miliband et Nick Clegg, les chefs conservateurs, travaillistes et Lib-Dems. « Je leur donne ce conseil d’ami, dit-il. Il vaut mieux qu’ils changent de politique, sinon les élections générales seront un désastre pour eux. »

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Changer de politique, pour Nigel Farage, cela se réduit à organiser un référendum sur l’indépendance du Royaume-Uni. « La victoire aujourd’hui des partis eurosceptiques européens, de droite et de gauche, prouve que ce processus est inévitable. La bulle européenne a déjà explosé. Il est plus que temps : je veux me débarrasser de l’Union européenne. Je ne veux plus de commission, plus de Cour de justice, plus de Parlement, plus de députés, rien. C’est bien clair ? Et vous verrez, je parie cher que le Labour aussi promettra un référendum sur la sortie de l’Europe ! »
« IL NOUS FAUT LE PIRE, C’EST POUR LE MIEUX ! »
Pour ce qui est du futur président de la Commission européenne, Nigel Farage a fait son choix : il votera pour l’Allemand Martin Schulz, du groupe socialiste, actuel président du Parlement de Bruxelles. Il l’affirme avec tout le sérieux dont il est capable : « Schulz ! Je veux Schulz, bien sûr ! Il est désagréable, agressif, déplaisant… Il nous faut le pire, c’est pour le mieux ! Schulz sera bon pour en finir avec l’Europe. »
Nigel Farage et Marine Le Pen ont un point commun : les deux grands vainqueurs du 25 mai ont réussi l’exploit de mobiliser des populations désespérées et de leur trouver, dans un contexte européen en plein marasme, un bouc émissaire idéal, l’establishment, les élites nationales ou bruxelloises, la zone euro et une Union européenne qui seraient la cause de l’immigration et du chômage. Ils ont pourtant de gros points de divergence : Nigel Farage, disciple de Margaret Thatcher, est notamment un ultralibéral affirmé. Il tient par ailleurs à ménager son image de « parti eurosceptique décent », seul garant de son pouvoir d’influence dans la politique britannique. Pour cela, il s’obstine à tenir tête à Marine Le Pen et répète son refus de siéger avec le Front national dans un même groupe parlementaire. « Nous serons présents au Parlement, nous voterons contre toutes les directives et il n’y aura pas d’alliance avec un parti qui traîne un lourd bagage de racisme et d’antisémitisme », clame-t-il.
aNigel-Farage-leader-of-Uk-001Sur les dix députés européens représentant la région du sud-est de la Grande-Bretagne, Nigel Farage a été réélu numéro un. Il fut bref pour une fois, il n’y avait pas de foule à convaincre dimanche soir, juste les candidats, la presse et quelques coéquipiers. En vieux routier des tribunes, il a regardé droit dans les caméras et averti : « Vous n’avez pas fini d’entendre parler de nous. »
Marion Van Renterghem (Southampton, envoyée spéciale ) Journaliste au Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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