Chine • Anniversaire : Une chape de plomb sur Tian’anmen

Courrier International3 juin 2014

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Cette année, l’imminence du 4 juin, date de l’écrasement dans le sang du mouvement étudiant sur la place Tian’anmen en 1989, a été marquée par une répression particulièrement sévère.

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A Pékin, le 3 juin, la police en train de clôturer la place Tian’anmen –AFP/Goh Chai Hin
En règle générale, dans les jours qui précédent le 4 juin, les opposants les plus actifs sont placés en résidence surveillée et Internet est soigneusement purgé de toute référence à la répression.
Cette année, à l’approche du 25e anniversaire de ce massacre qui a ébranlé le pays tout entier et failli diviser le Parti communiste, les censeurs et les forces de sécurité ont mené une offensive de “maintien de la stabilité” à faire froid dans le dos des militants des droits de l’homme et des intellectuels chinois, voire des journalistes étrangers.
La police a convoqué des journalistes occidentaux pour les avertir de “graves conséquences possibles” s’ils ne se tenaient pas à l’écart de la place Tian’anmen dans les prochains jours. Selon Amnesty International, près de 50 personnes [plus de 80 selon China Human Rights Defenders] auraient été interrogées par la police, jetées en prison ou placées en résidence surveillée. “C’est le printemps à Pékin mais on se croirait plutôt en hiver”, estime Hu Jia, militant engagé dans la lutte contre le sida et activiste de longue date, assigné en résidence surveillée depuis trois mois.
Les limites à ne pas dépasser sont fluctuantes
La liste des cibles des forces de sécurité chinoise inclut un groupe de militants de la cause homosexuelle réuni dans un hôtel de Pékin, plusieurs bouddhistes en pleine méditation à Wuhan [centre de la Chine], ainsi qu’un artiste, ancien militaire, qui venait de réaliser une performance privée inspirée par l’amnésie collective imposée par le pouvoir. “La répression est plus dure et plus intense que jamais”, explique Maya Wang, de Human Rights Watch à Hong Kong.
Pour les experts politiques et les militants des droits de l’homme, cette campagne ne fait que confirmer la détermination du Président Xi Jinping, au pouvoir depuis 15 mois, à écraser la dissidence tout en menant une offensive idéologique contre les idées libérales. Une manière de consolider sa puissance. “Jusqu’à ces récents coups de filets je m’interrogeai encore sur Xi, mais les derniers événements laissent à penser qu’il voudrait bien devenir un homme fort à la Mao”, explique Perry Link, un universitaire de l’Université de Californie, à Riverside.
Même si les limites à ne pas dépasser dans les discours en public sont fluctuantes et soumises aux caprices du pouvoir, ces évolutions ont surpris même les plus aguerris des dissidents. Ces derniers soulignent ainsi la réaction disproportionnée des autorités à l’égard d’une rencontre organisée chez un particulier début mai, où une dizaine de personnes s’étaient réunies pour évoquer les évènements de 1989. Dans les jours qui ont suivi, les participants, dont des parents de personnes tuées lors de cette sanglante répression, ont été arrêtés et interrogés par la police.
Accusations absurdes
Alors qu’en 2009, une rencontre du même ordre avait rassemblé un plus grand nombre de personnes, cette fois, cinq des participants ont été placés en détention. Parmi eux se trouvaient Hao Jian, professeur à l’Ecole de cinéma de Pékin, Xu Youzu, professeur de philosophie à l’Académie des sciences sociales de Chine et Pu Zhiqiang, un avocat et défenseur des droits très charismatique. Tous sont accusés de “troubles à l’ordre public”.
Depuis, la police a mené plusieurs perquisitions au domicile et dans les bureaux de Pu. Elle a pris les ordinateurs, des documents financiers et même le DVD d’un documentaire sur l’artiste dissident Ai Weiwei, ancien client de l’avocat. Selon l’un de ses avocats, Zhang Sizhi [considéré comme le “père” des avocats en Chine populaire], les accusations portées contre lui sont absurdes. “Comment peut-on porter atteinte à l’ordre public en se réunissant chez un particulier ?”
Zhang et d’autres sont très pessimistes. Pour lui, il est peu probable que Pu soit libéré une fois le 4 juin passé,  contrairement à ce qui s’est souvent fait dans ce genre d’affaires liées à un anniversaire politique. Pour étoffer le dossier, les autorités ont arrêté plusieurs de ses amis et de ses associés, notamment Vivian Wu, une journaliste indépendante, et Xin Jian, une assistante du journal japonais Nikkei. On ignore encore pourquoi Xin a été arrêtée mais un article sur Pu auquel elle avait contribué pourrait en être à l’origine.
De son côté, Liu Wei, un jeune ouvrier du sud-ouest de la Chine, a été arrêté le 17 mai et placé en détention criminelle. Il rentrait d’un séjour à Pékin. Selon l’un de ses amis, le crime de Liu a été de diffuser sur Internet des photos de lui sur la place Tian’anmen, dont une où il fait le “V” de la victoire, un geste très fréquent chez les touristes chinois mais qui peut aussi être interprété comme un acte subversif.
The New York Times | Andrew Jacobs

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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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