OGM : les Etats membres auront le droit de refuser qu’ils soient cultivés sur tout ou partie de leur sol.

 LE MONDE | Edito 13.06.2014

Le compromis préférable au pataquès

Il faut savoir sortir d’une situation de blocage, surtout quand elle conduit dans une impasse ubuesque. Avec pragmatisme, c’est ce que viennent de faire les ministres de l’environnement des vingt-huit Etats membres de l’Union européenne.
Jeudi 12 juin, ils ont trouvé un compromis sur la réglementation européenne portant sur l’autorisation de mise en culture d’organismes génétiquement modifiés (OGM). La décision ne mettra pas fin à la guerre qui oppose partisans et opposants des OGM, qui s’affrontent en Europe depuis une quinzaine d’années. Au moins permet-elle un armistice.
Grosso modo, Bruxelles continuera d’être compétente pour autoriser ou non la culture de tels produits sur le sol de l’Union européenne. Mais, c’est la nouveauté, les Etats membres auront le droit de refuser qu’ils soient cultivés sur tout ou partie de leur sol. Ainsi, les pays réfractaires à toute culture de plantes génétiquement modifiées – en particulier la France, l’Autriche et la Hongrie – pourront s’y opposer sans risquer d’être désavoués par la justice. A l’inverse, les pays qui y sont favorables, en pratique (Espagne, Portugal…) ou en théorie (Royaume-Uni), pourront les cultiver.
Ainsi s’achève une guérilla juridique qui tournait au pataquès, voire au ridicule. La France ne cessait d’invoquer des clauses de sauvegarde ou prétextait la nécessité de nouvelles études scientifiques pour demander la suspension de ces cultures. Elle voyait, logiquement, ces décisions sans fondement juridique sérieux cassées par le Conseil d’Etat. A Bruxelles, les Etats membres se livraient à des jeux d’alliances et de renvois d’ascenseur pour faire et défaire des minorités de blocage permettant ou non l’autorisation d’OGM.
CONTINGENCES POLITIQUES
Ce petit manège est fini. La décision des Vingt-Huit permet de prendre en compte les réticences nationales et préserve l’édifice communautaire, fondé sur le droit, et qui ne peut perdurer que si chacun le respecte. En outre, elle préserve la traçabilité des OGM. Enfin, elle va permettre de décrisper l’analyse des demandes d’homologation. Au grand dam, d’ailleurs, des défenseurs de l’environnement, qui craignent une accélération des autorisations de cultures OGM.
Sur le papier, ce choix est contraire aux principes communautaires. A l’heure où les Britanniques demandent que soient rendues aux Etats des compétences, les Européens renoncent, de fait, à fédéraliser un type de décision qui relève clairement d’une compétence européenne. Si l’on veut préserver le marché unique et la libre circulation des produits à travers l’Union, il est logique que ces produits soient, comme les médicaments, autorisés ou non au niveau communautaire.
Ce compromis n’est donc pas guidé par le principe de subsidiarité, qui veut que les décisions qui peuvent l’être soient prises au niveau local. Il obéit à des contingences politiques. Quel que soit le bien-fondé des arguments des uns et des autres, un certain nombre de pays, notamment la France, ne veulent pas des OGM, qui inquiètent leur population. Cette contrainte l’a emporté sur les principes.
A l’heure de la montée des populismes, l’Union européenne est dans une situation trop grave, elle est trop contestée par ceux qui déplorent son inefficacité à lutter contre le chômage et la crise économique pour s’arc-bouter sur la question des OGM.
Lire le décryptage : OGM : tout comprendre au nouveau cadre européen
Lire l’entretien (édition abonnés) : José Bové : « Ce règlement sur les OGM n’est que l’illusion d’une bonne solution »

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans Europe, Politique, Science, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.