Chine / Xinjiang – nouvelles violences : Pékin durcit encore un peu plus son contrôle contre les Ouïgours

LE MONDE | 31.07.2014 à 12h27 |
« Tout système colonial produit sa résistance clandestine, dont une partie embrasse la violence. Il n’y a plus la façade de l’intégration des Ouïgours dans la société chinoise à égalité avec le reste des citoyens », juge Nicholas Bequelin,

Nouvelles violences dans le Xinjiang, où Pékin durcit la répression contre les Ouïgours

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Le grand Ouest chinois s’enfonce un peu plus dans une spirale de violences où répression gouvernementale et vengeance radicale de la minorité ouïgoure se répondent. Des violences ont éclaté dans la région du Xinjiang, lundi 28 juillet, mais l’agence d’information étatique, Chine Nouvelle, s’est contentée d’informations floues, annonçant seulement le lendemain que « des dizaines de Ouïgours et de Hans ont été tués et blessés » au cours d’une « attaque terroriste préméditée ».
Selon cette version officielle, un gang d’assaillants armés de couteaux aurait attaqué un commissariat de police ainsi que des bâtiments de l’administration dans le bourg d’Elishku, à 200 kilomètres au sud de Kachgar. Les policiers auraient alors ouvert le feu et tué des dizaines d’entre eux.
Le Congrès mondial ouïgour, l’organisation de la dissidence en exil, honnie par Pékin, assure de son côté qu’au moins 20 membres de cette minorité musulmane ont trouvé la mort et 10 autres ont été blessés, tandis que 13 hommes, parmi les forces de sécurité chinoises, ont été tués ou blessés. Par ailleurs, environ 60 personnes auraient été arrêtées.
Selon des témoignages recueillis par Radio Free Asia, média financé par le Congrès américain, l’une des causes de l’attaque pourrait être la mort d’une famille, dont un jeune garçon et son grand-père, lors d’une descente de police qui a dégénéré dans une maison d’une bourgade voisine où les autorités entendaient limiter le port du voile par les femmes pendant le ramadan.

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COUPURE DE L’ACCÈS À INTERNET
Jointes par téléphone, trois personnes confirmaient mercredi la coupure complète de l’accès à Internet autour de Yarkant, ville la plus proche, non loin des cols qui mènent aux frontières tadjike et pakistanaise. L’une d’elles précise que l’envoi de SMS est également impossible et que certains quartiers sont placés sous couvre-feu.
Le fossé entre le discours chinois, qui met en avant ses efforts en faveur du développement économique, et le ressentiment qui couve chez les Ouïgours, qui vivent cette présence comme l’aliénation de leur région au profit de l’ethnie Han, majoritaire en Chine, se traduit par une multiplication des attaques.
Celles-ci sortent désormais du cadre géographique de la région du Xinjiang. Début mai, quatre assaillants munis de couteaux avaient blessé six passants à la gare de Canton, à 3 000 kilomètres de là. Deux mois plus tôt, 29 personnes étaient tuées et 130 blessées lors de faits similaires à Kunming (sud).
En réaction à ces violences, Pékin durcit encore un peu plus son contrôle. En visite pendant quatre jours au Xinjiang fin avril, le président Xi Jinping a insisté sur la lutte contre le terrorisme et la nécessité de « frapper en premier », s’alignant sur les éléments les plus durs au sein du Parti communiste sur la question des minorités, tandis qu’il avance sur son agenda principal – la libéralisation économique, l’urbanisation et une campagne anticorruption lui permettant d’asseoir son pouvoir politique.
M. Xi décollait tout juste de la capitale régionale à l’issue de sa visite au printemps lorsqu’une bombe tua trois personnes et en blessa 79 autres en gare d’Urumqi. « Tout système colonial produit sa résistance clandestine, dont une partie embrasse la violence. Il n’y a plus la façade de l’intégration des Ouïgours dans la société chinoise à égalité avec le reste des citoyens », juge Nicholas Bequelin, chercheur pour Human Rights Watch sur la Chine, basé à Hongkong.
ASSASSINAT D’UN IMAM PROCHE DU POUVOIR CHINOIS
Possible nouveau signe de la radicalisation de la colère ouïgoure et des divisions au sein même de la communauté, un corps a été retrouvé dans une mare de sang mercredi 30 juillet au matin, à l’extérieur de la salle de prière de la mosquée Id Kah, la plus grande du pays, qui trône au centre de Kachgar. Selon Radio Free Asia, il s’agirait de son imam, Jume Tahir, figure controversée chez les Ouïgours car perçue comme trop proche du pouvoir chinois.
Les médias officiels le prenaient parfois en modèle, la propagande le citant par exemple au lendemain des émeutes d’Urumqi, qui firent près de 200 morts en 2009, et constituèrent un tournant dans les relations entre la minorité et l’administration chinoise. L’imam se félicitait deux mois plus tard auprès de Chine Nouvelle : « Nos croyances religieuses légales sont pleinement respectées. »
Mercredi également, les juges ont formellement annoncé le motif de « séparatisme » retenu contre l’intellectuel Ilham Tohti, universitaire qui prônait « une meilleure compréhension » entre Hans et Ouïgours. Il demeurait, jusqu’à son placement en détention en janvier et son transfert de Pékin à Urumqi, la seule personnalité ouïgoure indépendante à s’exprimer publiquement de l’intérieur de la République populaire et à oser interroger sa politique.
Contre lui seront notamment retenus des écrits sur son site Internet et certains de ses cours. Son avocat, Li Fangping, précise n’avoir pas même été informé par la cour de justice d’Urumqi. « Je l’ai découvert sur Internet moi aussi », regrette-t-il par téléphone.
Harold Thibault (Shanghaï, correspondance)
Journaliste au Monde

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