La rédaction de Rue89 14/07/2014
Si vous croyez que Napoléon était plus petit que la moyenne ou que les autruches mettent la tête dans le sable, cet article vous fera peut-être tomber de l’armoire.
Cet été, Rue89 se lance dans un grand chantier : démonter nos propres idées reçues. Nous croyons dur comme fer à des tas de fausses vérités, fausses citations, faux épisodes historiques. Avec votre aide, nous allons torpiller les plus frappants
L’idée est venue lors du débat sur la taille des régions et des départements. Nous étions persuadés que les départements avaient été dessinés pendant la révolution de telle sorte que tout citoyen puisse rejoindre la préfecture, à cheval, en une journée. Or selon certains, il s’agirait d’une légende (nous sommes en train de vérifier dans les archives des débats parlementaires de l’époque, vous pouvez nous y aider).
En attendant vos propositions de fausses vérités (lire encadré ci-dessous), qui nous l’espérons feront tomber de l’armoire plusieurs d’entre vous, voici une première salve.
« Envoyez-nous vos propositions – Pour nous signaler une proposition de fausse vérité, merci de nous écrire à « contact[@]rue89.com » en précisant dans l’objet : « 100% faux ». Merci de vous limiter à trois paragraphes maximum, avec des liens vers les sources.»
1 – Non, Marie-Antoinette n’a jamais dit : « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! »
« Du pain ! Du pain ! » crie la foule de femmes affamées, approchant de Versailles le 5 octobre 1789. Marie-Antoinette répond par un cruel mot d’esprit : « S’ils n’ont pas de pain, qu’ils mangent de la brioche ! »
Cette scène est gravée dans notre mémoire collective. Elle n’a pourtant probablement jamais eu lieu. En effet, la phrase apparaît dans un livre de facéties au début du XVIIIe siècle et même dans les « Confessions » de Jean-Jacques Rousseau, écrites en 1782 : « Enfin je me rappelai le pis-aller d’une grande princesse à qui l’on disait que les paysans n’avaient pas de pain, et qui répondit : “Qu’ils mangent de la brioche !” »
En fait de « grande princesse », il s’agissait peut-être à l’origine d’un empereur chinois du IIIe siècle, Jin Huidi. L’anecdote est rapportée par le Zizhi Tongjian (un ouvrage fameux du XIe siècle). Informé du fait que le peuple manquait de riz, l’empereur Jin Huidi avait ricané : « Pourquoi ne mangent-ils pas de la viande ? »
2 – Non, quand on rase des poils, ils ne repoussent pas plus épais
Le groupe ZZ Top : Dusty Hill et Billy Gibbons ont renoncé à se raser (Craig ONeal/Wikimedia Commons/CC)
Quelle femme (qui s’épile) ne l’a pas entendu ? « Ne rase jamais, ô grand jamais, tes poils, ils repousseraient plus plus épais et plus sombres. » Le propos est valable pour les cheveux. Mais devinez quoi ? C’est faux. En fait, quand on rase un poil, on coupe son extrémité, au ras de la peau. C’est ce qui fait qu’il est piquant quand il repousse.
Sur le site du British Medical Journal, on lit : « De sérieuses preuves démentent cette croyance. Dès 1928, un essai clinique a montré que le rasage n’avait pas d’effet sur la pousse des cheveux. De plus, se raser enlève surtout la partie des morte des cheveux pas la section vivante qui se trouve en dessous de la surface de la peau. » Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’un poil épilé met plus de temps à repousser qu’un poil coupé. Enlevé à la racine, le poil doit en effet complètement se reconstruire.
3 – Non, Napoléon n’était pas plus petit que la moyenne
On connait la taille de Napoléon grâce à trois relevés, dont l’un réalisé lors de l’autopsie de son corps : « La hauteur totale du sommet de la tête aux talons est de 5 pieds, 2 pouces, 4 lignes », soit 1,686 mètres.
Alors, vous me direz, ce n’est pas beaucoup. Sarkozy aussi fait 1,68 centimètres. Il y a deux siècles, les Français étaient plus petits qu’aujourd’hui : la taille moyenne des hommes était elle aussi de 1,68 m, un poil en dessous de la taille de l’empereur.
Alors d’où vient cette idée que Napoléon était petit ? Hypothèses : Napoléon était souvent vu aux côtés des hommes de sa Garde impériale, sélectionnés pour leur grande taille ;
la propagande britannique aurait répandu des rumeurs infondées sur sa taille (rumeurs qui pourraient être liées au fait que le « foot » anglais est plus petit que le pied français) ;
Napoléon permet des jeux de mots avec Nabot ; son embonpoint lui donnait un profil de pot à tabac.
Toujours est-il que du fait de cette légende, Napoléon a donné son nom à un déséquilibre psychologique, le « complexe de Napoléon » : un complexe d’infériorité qui pousserait des hommes à compenser leur petite taille par une soif de pouvoir.
4 – Non, il n’y a pas plus de violences faites aux femmes dans les milieux populaires
Aucune catégorie sociale n’est épargnée par le phénomène des violences faites aux femmes. Une étude d’ampleur conduite en 2000 conclut qu’elles touchent tous les milieux socio-professionnels, même si les agressions physiques (vols avec violence, coups et blessures, tentatives de meurtres) sont plus fréquemment déclarées par des femmes jeunes en situation de précarité sociale ou d’isolement.
L’instabilité professionnelle, l’absence d’autonomie financière de la victime ou les situations de très grande précarité favorisent la violence, davantage que la position sociale ou le métier des auteurs et victimes.
D’après le sociologue Laurent Muchielli, les hommes issues de catégories socio-professionnelles défavorisées sont surreprésentés dans les tribunaux, ce qui ne signifie pas forcément qu’ils sont plus fréquemment auteurs de violences conjugales, mais davantage confrontés à leur traitement judiciaire. On estime que moins de 10% des victimes portent plainte.
5 – Non, Einstein n’était pas un cancre
C’est une idée reçue qui fait du bien. Votre enfant n’a pas de bonnes notes à l’école ? Rassurez-vous : c’était également le cas d’un esprit aussi brillant qu’Albert Einstein. Même l’illustre généticien Albert Jacquard a fait circuler la légende.
C’est faux : Einstein n’a jamais été un mauvais élève. Ses notes en mathématiques ont toujours été excellentes, le génie était même précoce : à 10 ans, il comprenait le théorème de Pythagore et, cinq ans plus tard, il maîtrisait le calcul intégral et le calcul différentiel.
C’est Einstein lui-même qui a corrigé la légende après avoir lu un article qui le traitait de cancre. Jetez un coup d’œil sur son bulletin scolaire datant de 1896 qui lui permit d’obtenir son certificat d’études à 17 ans : il est excellent.
Ce qui est vrai, c’est que le scientifique, qui a mis du temps à apprendre à parler, n’a jamais été très bon en français – 3/6 sur le bulletin. Einstein était un gamin turbulent et indépendant qui supportait mal l’autorité de ses professeurs et avait du mal à s’intégrer dans sa classe.
6 – Non, les chiens ne voient pas « en noir et blanc