Mongolie – Oulan-Bator : la seconde ville la plus polluée au monde

Rue89 03/08/2014 Pierre Haski Cofondateur

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La Mongolie polluée par ses yourtes
Ce sont des photos noir-et-blanc prises dans un pays que l’on représente en général en couleur : la Mongolie, ses steppes vertes, ses yourtes colorées, ses chevaux au poil brillant…

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Extrait de la série Respirer dans un quartier de yourtes à Oulan Bator (crédit : © Olivier Laban-Mattei / The Mongolian Project / Myop)
 Olivier Laban-Mattei a choisi le noir-et-blanc pour montrer une autre Mongolie, celle des districts de yourtes qui entourent Oulan-Bator, la capitale mongole où s’agglutinent désormais plus d’un million d’habitants, soit un bon tiers de la population totale de la Mongolie.

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 L’ONU estime que Oulan-Bator est la seconde ville la plus polluée au monde, et c’est ce que montre le photographe français avec ses photos sombres, où les hommes ne sont que des ombres, et les cheminées crachent toutes une fûmée toxique.
En cause, le charbon, qui permet aux habitants de « Ger city », la ville des yourtes, installée autour de la ville moderne et de plus en plus rutilente, de se chauffer pendant l’hiver long et rigoureux (les températures peuvent descendre jusqu’à -40°). Mais dont l’impact sur l’environnement et la santé des habitants est absolument désastreux
 Olivier Laban-Mattei a créé, avec quelques autres passionnés, le Mongolian Project (themongolianproject.com), qui, comme ils l’expliquent eux-mêmes, « documente les changements rapides dans la société mongole, s’attachant à chaque fois aux histoires simples des hommes et des femmes qui font ce pays. L’évolution inéluctable vers l’économie de marché implique certains choix qui ne vont pas toujours dans le sens des hommes et de leur environnement… »
Oulan Bator est une capitale paradoxale. Pendant des décennies, elle a été une ville à l’architecture soviétique prononcée, chauffée par d’énormes boyaux d’eau bouillante amenant la chaleur dans les appartements des HLM version mongole. Elle est aujourd’hui écartelée entre une rapide modernisation, et une bidonvillisation non moins rapide.
La disparition de l’Union soviétique, en 1991, a eu un impact considérable sur ce pays géant (trois fois la France) mais sous-peuplé (moins de trois millions d’habitants), coincé entre deux empires rivaux, le russe et le chinois.
 Nomades fonctionnarisés

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aMONGOLY0.jpg yourteLes nomades qui avaient été fonctionnarisés pendant l’ère soviétique, ont été rendus à la vie traditionnelle après une interruption de plusieurs décennies. Mais, comme me l’avait expliqué un vieux Mongol alors que je suivais une campagne électorale dans le désert de Gobi il y a quelques années, les nouvelles générations ont eu du mal à renouer le fil de la vie nomade, surtout lors des hivers les plus rigoureux, que l’on appelle le « dzud ».
Ce vieux Mongol, qui parlait en sniffant un flacon de parfum sous sa yourte, expliquait le gonflement permanent des quasi-bidonvilles autour de la capitale par l’échec de clans nomades, ruinés par la perte de leur bétail.

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C’était pourtant avant le « dzud », le terrible hiver 2010, le plus froid depuis quatre décennies avec des températures de -51°. Des millions de têtes de bétail sont mortes de froid, envoyant vers la ville ces familles nomades au bout du rouleau.

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Le chauffage hérité du système communiste est fait de gros tuyaux d’eau bouillante qui sillonnent la ville « en dur ». Dans les immenses quartiers improvisés de yourtes et de cabanes sur les collines autour de la capitale, c’est le charbon qui règne et diffuse ce « smog » qui donne à Oulan Bator cet air vicié qui empoisonne les poumons.
Brûlés par les canalisations
Les boyaux d’eau bouillante ont eux aussi leurs dégâts collatéraux. Pendant l’interminable hiver, lorsque la vodka frelâtée (ou pas) fait des ravages, on retrouve régulièrement, au petit matin, des alcooliques allés chercher un peu de chaleur près des boyaux bouillants, et qui se sont endormis, inconscients, collés au métal. A leur réveil, ils souffrent de brûlures au second ou premier degré, et sont hospitalisés dans des souffrances atroces.
Il existe, à Oulan Bator, une institution très spéciale : l’hôpital de la Charité, seule institution médicale gratuite de Mongolie, où se retrouvent généralement les pauvres hères découverts brûlés près des tuyaux. Cet hôpital est tenu par des soeurs françaises de l’Ordre de la Fraternité Notre-Dame, une congrégation traditionaliste en rupture avec le Vatican.
A chaque visiteur, la mère supérieure présente d’abord un livre de photos prises à l’hôpital. On y voit en particulier les victimes des tuyaux de chauffage, des photos atroces de grands brûlés dont on a peine à croire qu’il s’agit simplement d’alcooliques allés chercher un peu de châleur alors qu’il fait – 40 dehors… Une manière pour cette religieuse à poigne de tester la solidité de son interlocuteur, ou de le préparer au récit de la détresse sociale dans cette capitale tentaculaire.
Capitaux chinois
Dans cette Mongolie qui s’enrichit très vite grâce à l’exploitation de son sous-sol minier, grâce aussi à l’arrivée massive de capitaux chinois, les exclus sont légion. On les devine dans les photos d’Olivier Laban-Mattei, ombres furtives dans le plus improbable des « smogs ».

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amongolDe quoi donner une envie folle de fuir la ville pour les grands espaces de l’ « autre » Mongolie, celle des grands espaces et des chevaux en liberté. Une Mongolie mythique qui se meurt.
 La Mongolie
Population : Près de 3 millions.
Capitale : Oulan-Bator
PIB par habitant : 2226$ (2010), 119ème pays sur 179 selon le FMI.
Trois trucs fascinants :
#1 Gengis Khan est le Mongol le plus connu de l’histoire, mais on cherche encore activement sa tombe, huit siècles après sa mort. Une équipe japonaise pensait l’avoir retrouvée, mais sans confirmation.
#2 La Mongolie ne compte qu’un seul champion olympique dans son histoire, le judoka Naidangiin Tüvshinbayar aux JO de Pékin en 2008.
#3 L’armée mongole est minuscule, mais est présente sur plusieurs « fronts » : Afghanistan, Sud Soudan, Darfour… Le « maintien de la paix » comme modèle économique.

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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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