Culture : Poète breton, établi à Lannion (Côtes-d’Armor) : pétition pour Yvon Le Men

LE MONDE | 08.08.2014

Yvon Le Men, poète en fin de droits, attaque Pôle emploi

Yvon Le Men écrit des poèmes, et souvent il les dit. Depuis quarante ans, il les déclame comme un comédien, parcourt les festivals, les écoles, les médiathèques. A 61 ans, le poète breton, établi à Lannion (Côtes-d’Armor), se flatte d’avoir sillonné sa région : « Il n’y a pas un village en Bretagne où je n’aie pas dit de la poésie. »

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Yvon Le Men ne vit pas de ses droits d’auteur, modestes malgré ses dizaines d’ouvrages écrits – des recueils de poésie, et quelques romans chez Flammarion.
Depuis 1986, il était affilié au régime des intermittents ; en 1998, il est qualifié de « poète-interprète ». Mais, à quelques années de la retraite, la machine administrative s’enraye. Après avoir radié Yvon Le Men du régime des intermittents, elle lui réclame un trop-perçu d’indemnités de près de 30 000 euros. Une situation qu’il estime « ubuesque » et qui le mène aujourd’hui à traduire Pôle emploi en justice.
Tout commence en juillet 2013, lorsque Pôle emploi l’informe qu’il ne touchera plus d’indemnités. D’une part, il est accusé d’être le directeur de l’association culturelle qui l’emploie – dont, selon ses dires, il n’est même pas membre –, ce qui est proscrit dans le cadre de l’intermittence ; en outre, Pôle emploi estime que certaines de ses prestations correspondent à un travail de conférencier, et non d’artiste.
« METTRE LES CONTEURS À ZÉRO »
Alors qu’Yvon Le Men tente de contester ces allégations, il apprend qu’il est radié de Pôle emploi depuis le mois d’août 2010 ; il doit donc rendre quelque 30 000 euros. Catastrophé, l’écrivain tente d’établir un dialogue avec l’administration, en vain. En mars, il est mis en demeure de payer cette somme.
Son avocat, Me Simon Aubin, ne comprend pas pourquoi il s’est écoulé autant d’années entre la radiation de son client et sa mise en demeure, et juge son cas « assez exceptionnel ».
De fait, comment le singulier métier de poète peut-il s’inscrire dans le cadre de l’intermittence ? « Alors que beaucoup de poètes ont un premier métier, professeur par exemple, moi, je vis uniquement de la scène », argumente Yvon Le Men, qui accuse Pôle emploi de vouloir « mettre les conteurs à zéro ». L’établissement, de son côté, admet que le dossier d’Yvon Le Men est « très spécifique », mais objecte : « Il ne s’agit pas de remettre en cause son talent artistique. Le problème réside dans la façon dont ses activités sont déclarées : le temps utilisé pour la préparation de ses prestations, par exemple, ne peut pas entrer en compte dans un cachet d’intermittent. La question est : qui doit prendre en charge ces périodes, dont les artistes ont besoin pour exercer leur métier ? » Yvon Le Men vient d’assigner Pôle emploi devant le tribunal de grande instance de Saint-Brieuc. La procédure pourrait prendre plus d’un an. D’ici là, l’artiste sexagénaire se prépare à une période de vaches maigres. Il souhaite récupérer son statut d’intermittent, et qu’on annule sa dette.
Un comité de soutien s’est constitué à l’initiative de son ami l’écrivain Michel Le Bris, directeur du festival Etonnants Voyageurs de Saint-Malo, et une pétition en ligne réunit plus de 1 000 signatures.
En attendant que la justice tranche, Yvon Le Men a fait un livre de cette histoire, dont la chute reste à écrire : En fin de droits, illustré par Pef, sortira en octobre aux éditions Bruno Doucey. C’est un long poème dans lequel il dresse ce constat mi-amer, mi-amusé : « J’ai écrit 50 livres et je ne sais pas écrire une lettre de recours gracieux. »
Johanna Luyssen  Journaliste au Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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