Royaume-Uni – Gangs criminels : Rapaces et cerfs britanniques victimes du trafic international d’animaux

 LE MONDE | 20.08.2014  (Londres)

Des gangs criminels exportent des espèces sauvages vers l’Asie ou le Moyen-Orient

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Des cerfs à Exmoor, dans le comté du Devon (ouest de l’Angleterre).RICHARD AUSTIN/REX FE/REX/SIPA
En octobre 2013, la police de South Molton est appelée par un passant. Celui-ci vient de trouver dans la forêt bordant ce petit bourg du Devon, dans l’ouest de l’Angleterre, onze têtes de cerfs décapités, enveloppées dans des sacs en plastique et mangées par les vers. Pour les forces de l’ordre locales, il s’agit a priori d’un nouveau cas de braconnage, qui semble en augmentation dans cette région. Mais un détail retient leur attention : les bois des cerfs ont été coupés.
 » Personne ne sait ce qu’ils sont devenus, mais la police nous a dit qu’une des pistes de l’enquête était une exportation vers la Chine, relate Simon Pope, de l’association britannique World Animal Protection. Nous savons que des bois de cervidés y sont vendus, peut-être pour des préparations médicinales. « 
Le trafic d’animaux concerne généralement les cornes de rhinocéros ou les défenses d’éléphant exportées d’Afrique. Mais il existe également, certes à moindre échelle, un autre circuit : l’exportation illégale d’animaux ou de parties d’animaux de l’Occident vers des marchés lucratifs, Asie et Moyen-Orient en tête.
C’est pour attirer l’attention sur ce phénomène que World Animal Protection a publié le 10 août un rapport sur les trafics en provenance du Royaume-Uni. Deux phénomènes sont particulièrement mis en avant : le braconnage local, souvent lié à des gangs criminels, et le trafic international, en particulier celui des oiseaux de proie.
«  Le Royaume-Uni a pris une position très en pointe dans la lutte contre l’importation illégale d’animaux, et c’est une bonne chose. Mais on oublie trop souvent que nous ne sommes pas seulement un pays receveur, mais aussi un pays qui exporte « , explique M. Pope. S’il salue le travail de la National Wildlife Crime Unit (NWCU), l’unité de police britannique chargée des délits concernant les animaux, il regrette son manque de moyens. Celle-ci dispose de onze policiers au total pour des enquêtes qui sont souvent très difficiles : les faits se déroulent dans des forêts ou des espaces sauvages, loin des regards.
afauconpelerin01jccapelAndy McWilliam est l’un de ses enquêteurs. Parmi ses plus beaux coups, il raconte l’affaire incroyable de Jeffrey Lendrum, arrêté en 2010 à l’aéroport de Birmingham : ce Zimbabwéen s’était attaché autour de la taille quatorze œufs de faucons pèlerins. Sa destination : Dubaï, où un riche propriétaire les voulait pour sa chasse.
 » Il a cueilli les œufs dans un nid quelque part dans le sud du Pays de Galles « , raconte M. McWilliam. Il les a ensuite mis dans une couveuse, qui a été retrouvée dans sa voiture. Pour passer le contrôle de sécurité à l’aéroport, il les a placés dans une boîte d’œufs de caille, avant de se les attacher autour de la taille pour les remettre à la bonne température. Pour sa défense, le passeur a affirmé, sans rire, que son docteur lui avait conseillé de porter quelque chose de fragile pour soigner son mal de dos.
L’homme savait cependant exactement ce qu’il faisait. Le faucon pèlerin est protégé par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (Cites). La valeur de sa marchandise était estimée à 90 000 euros. Et M. Lendrum s’était déjà fait condamner pour trafic d’oiseaux de proie à deux reprises, en 1984 au Zimbabwe et en 2002 au Canada. Il a été condamné en appel à dix-huit mois de prison. En revanche, le propriétaire de la fauconnerie à Dubaï n’a pas été retrouvé.
Comme pour le trafic de cornes de rhinocéros, les gangs faisant commerce de rapaces sont internationaux et organisés. Le 30 juin, en Belgique, cinq personnes ont été condamnées à une peine de prison allant d’un an à quatre ans et à des amendes de plus de 200 000 euros. Elles avaient fabriqué de faux certificats leur permettant de vendre des vautours, des aigles et des milans. Il a fallu six ans d’enquête, mobilisant la police de cinq pays différents et nécessitant plusieurs mandats d’arrêt, pour les confondre.
La police britannique y a été associée, l’un des hommes-clés de ce trafic étant Keith Beaven, l’ancien propriétaire d’un sanctuaire pour oiseaux dans le Gloucestershire (ouest de l’Angleterre). Il avait continué à acheter et à vendre des oiseaux de proie pendant deux ans après avoir cédé son activité. L’un de ses commanditaires était un collectionneur privé en Belgique.

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A l’opposé de ces groupes internationaux, le braconnage à l’intérieur du Royaume-Uni est l’autre grand problème identifié par World Animal Protection. La moitié des informations que reçoit le NWCU concerne ce phénomène. Les biches et les cerfs en sont particulièrement victimes, surtout à l’approche de Noël, quand cette viande est très prisée.
Si une partie du braconnage est le fait de petits chasseurs qui n’ont pas de permis, il existe aussi des gangs plus organisés, attirés par l’argent.  » Je suis en train d’enquêter sur un cas dans le nord-ouest du pays où de nombreux cerfs ont disparu, pour une valeur d’environ 50 000 livres – 62 000 euros – « , témoigne M. McWilliam. Selon lui, les personnes impliquées dans ce genre de délit sont souvent liées à d’autres activités illégales, ne serait-ce que pour se procurer l’arme à feu nécessaire à la chasse.  » Les laisser faire, c’est permettre à d’autres problèmes de se répandre, ajoute M. Pope. Il est temps de prendre le braconnage au sérieux.  »
Eric Albert (Londres, correspondance) Journaliste au Monde
Braconnage et commerce illégal dans le Grand Londres
Depuis 2013 seulement, la police britannique tient des statistiques sur la criminalité contre les espèces sauvages. Impossible, donc, de savoir si celle-ci augmente. De plus, les premières données collectées sont très parcellaires. Sur le Grand Londres uniquement, le nombre de cas traités sur les six premiers mois de 2014 se décompose ainsi, selon la police, Greenpeace et l’ONG World Animal Protection : 54 cas de cruauté sur les animaux ; 47 cas de braconnage ; 37 cas de commerce illégal ; 34 cas de perturbation d’oiseaux ; 32 cas de criminalité contre des nids d’oiseaux ; 26 crimes incluant une arme à feu ; 10 vols d’animaux ; 10 destructions d’habitat d’animaux.

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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