Chantier du château de Rochefort, Asnières-en-Montagne (Côte-d’Or) – Expérimentation : Entretenir et rénover le patrimoine, ainsi des jeunes se reconstruisent

LE MONDE | 25.08.2014 |

Un chantier de jeunes bénévoles pour reprendre goût au travail

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Christopher Bouhours sur le chantier d’été du château de Rochefort à Asnières-en-Montagne | DR
S’extraire du lit chaque matin pour travailler jusqu’en début d’après-midi, trois semaines durant, l’été. Sans salaire et même en s’acquittant de 200 euros pour le gîte et le couvert. Sur le papier, la proposition ferait presque rire. Sur l’échafaudage, à voir ceux qui l’ont saisie si détendus et unis hisser les seaux de mortier et manier la truelle, elle prend sens.
Ces sept jeunes ont choisi de passer tout ou partie de leurs vacances à reconstruire quelques mètres du mur ceignant le somptueux quoique délabré château de Rochefort, à Asnières-en-Montagne (Côte-d’Or). L’un des quelque 700 chantiers internationaux de bénévoles qui se déroulent chaque été en France, drainant invariablement au moins 7 000 jeunes (dont 3 000 étrangers) de 14 à 24 ans, et de plus en plus de retraités et de familles au complet. On y rénove et entretient le patrimoine, qu’il soit architectural ou naturel. Trois mille autres jeunes Français partent oeuvrer sur des chantiers similaires à l’étranger.
Sur l’échafaudage adossé au logis seigneurial de Rochefort, les sept apprentis ouvriers reconstituent patiemment un puzzle de pierres sous la houlette de l’association Rempart. Ils ont à peine plus – moins pour certains – de 20 ans. Des études en cours ou une vie d’ouvrier. Et en commun, le goût de cette « colo d’adultes » qu’est le chantier, des vieilles pierres et des rigolades de longue tablée.
« LA MIXITÉ SOCIALE NOUS FAIT GAGNER EN OUVERTURE D’ESPRIT »
Brice Marchand en est à sa troisième année de fac et à son cinquième chantier d’été. « Ici, la mixité sociale nous fait gagner en ouverture d’esprit. On grandit. » Le plus discret de la bande, c’est sans conteste Christopher Bouhours, 21 ans, des airs d’oisillon ébouriffé malgré sa haute taille. Contrairement aux autres, il découvre les chantiers. L’idée et le financement sont venus de la mission locale de Dijon.
Christopher Bouhours n’a pas eu son CAP de peintre en bâtiment. « L’anglais, ça m’a pas trop tilté. » A 17 ans, le Bourguignon est « monté à Pau en train » faire l’assistant-boulanger. « Mais le fils a coulé la boulangerie du père. » Alors il a enchaîné « un peu tous les métiers qui se trouvaient », jusqu’à n’en plus trouver, et pousser la porte de l’Espace-jeunes d’Auxonne (Côte-d’Or). Le chantier de bénévoles ? « Je me suis dit : “On va pas rester à rien faire”. »

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Château de Rochefort, à Asnières-en-Montagne (Côte-d’Or). | © PKr
Dans toute la France, ils auront été une cinquantaine de décrocheurs, sans qualification ni emploi, à bénéficier cet été de l’expérimentation, les missions locales appréciant de plus en plus « l’effet chantier ». « On considère ces jeunes comme des êtres humains, pas comme des ratés, résume Corinne Molina, responsable Bourgogne de Rempart. Les missions locales font ce qu’elles peuvent mais elles accueillent trop de jeunes… Nous, on n’est pas des éducateurs mais on se pose avec eux, on discute. » Le tas de pierres au sol sera redevenu mur au moment du départ. « Et ce n’est pas seulement une image, pour elle. En construisant, on se restaure soi-même. »
« JE RESTERAI PAS À RIEN FAIRE »
Sur le chantier, « pas question de décrocher, chacun joue un rôle », rappelle la responsable technique, Sandrine Gouble, maçonne du patrimoine et tailleuse de pierres. Avec Christopher comme avec les autres, elle a mis en oeuvre sa recette. Accompagnement individuel. Pédagogie de la réussite, quand ces jeunes sont « trop habitués à se faire réprimander ». Adaptation à leur culture. « Comme dans Minecraft, le jeu vidéo, je leur dis : “Clique droit et déplace la pierre !” »

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Sur l’échafaudage adossé au mur d’enceinte du logis seigneurial de Rochefort, sept apprentis ouvriers reconstituent patiemment un puzzle de pierres sous la houlette de l’association Rempart. | ©PKr
Au château de Rochefort, Christopher a mis un premier pied dans le monde du travail, ses horaires et consignes à respecter. Mais dans un monde du travail plaisant, entouré de pairs bienveillants. Il y a trois semaines, il avait physiquement et intellectuellement du mal à tenir la longue matinée. Ses encadrants ont vu les autres bénévoles l’épauler, lui faire une place dans le groupe. Peu à peu, sa capacité de travail s’est accrue. Il a gagné en confiance après avoir redémarré le four à pain du château, et l’affection de tous en y faisant cuire des pizzas.
Surtout, il a enfin trouvé quoi faire de sa vie : maçon. En septembre, il sera salarié dans un chantier d’insertion, au château d’Auxonne. « C’est bien, dit-il, le soulagement sobre. Je resterai pas à rien faire. »
Pascale Krémer Journaliste au Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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