Retour de l’émission « ONPC », invitée Cécile Duflot – Léa Salamé rate sa cible : ce naufrage cathodique sur son rôle de journaliste ne serait se résumer à celui de bruyant roquet de comptoir.

Nouvel Obs le 31-08-2014 Par , Commentateur médias & actu
VIDÉO. « ONPC » sur France 2 : Léa Salamé se paie Cécile Duflot, mais rate sa cible
LE PLUS. Ce samedi 31 août a été diffusée la première émission de la neuvième saison d' »On n’est pas couché ». Au programme, la grande rentrée de Léa Salamé, attendue comme le messie après le départ de Natacha Polony, face à l’ex-ministre Cécile Duflot et son livre polémique. Que penser de cette première prestation ? On fait le point avec Clément Avargues-Charrieras.
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Léa Salamé et Cécile Duflot, lors de la première d’ONPC, le 31 août 2014 (Capture).
Après que tous les médias ont traité du départ de Natacha Polony de « On n’est pas couché » pour le « Grand Journal », puis de l’identité de sa remplaçante en tant que polémiste, Léa Salamé était attendue au tournant.
 Le renouveau d’Aymeric Caron
  Présentée comme une intervieweuse indépendante et incisive, la nouvelle recrue des samedi soir de France 2 est t-elle réellement au niveau de ces prédécesseurs ? On fait le point ici.
 Cécile Duflot était la première invitée politique, et venait présenter « De l’intérieur : voyage aux pays de la désillusion ». Frédéric Beigbeder avec son nouveau roman « Oona & Salinger » et Véronique Poulain avec « Les mots qu’on ne me dit pas » venaient compléter la partie consacrée à la littérature.
 Reda Kateb et Vincent Lacoste à l’affiche du film « Hippocrate », puis Michel Aumont et Claude Brasseur sur les planches avec « La colère du tigre » furent aussi à l’honneur. Le changement de décor a fait réagir en premier les téléspectateurs. Le nouveau studio, plus bas de plafond et amputé de ses grandes marches en verres en a déçu quelques uns. L’apparition d’une image HD et d’un habillage lifté faisait elle partie des bonnes surprises.
 À l’opposé des nombreuses critiques dont il a fait l’objet la saison passée, Aymeric Caron a fait preuve de pertinence, avec des questions documentées et des opinions marquées. Son recours à la vidéo reprenant les engagements passés de Cécile Duglot a pu faire songer au personnage principal de la série américaine « The Newsroom », où Will McAvoy (Jeff Daniels) reste très attaché à la dénonciation des mensonges électoraux par le biais d’informations sourcées et vérifiées. Comme son double fictif, Aymeric Caron ne fait pas l’unanimité chez les téléspectateurs, souvent accusé d’incompétence et de partialité.
Salamé se paie maladroitement
alea-salame-entouree-de-nicolas-580x0-3Léa Salamé, qui arbitrait la saison dernière sur I>télé le débat Zemmour et Domenach dans « Ça se dispute », et celles de ses invités quotidiens dans « On ne va pas se mentir » a donc été préférée à Nathalie Lévy, Apolline de Malherbe, Anna Cabana ou Anne Fulda pour succéder à Natacha Polony.
 Le jeudi 28 août, lors de l’enregistrement de l’émission, le mythique studio Gabriel a été le témoin de ce qui ressemble à une rude erreur de casting.
 Souvent agressive, parfois pertinente et à grands renforts d’effets, Léa Salamé cherche sa cible. Il faut marquer les esprit pour succéder au respecté Michel Polac, aux sulfureux Zemmour & Naulleau ou encore à Audrey Pulvar, spécialiste ès polémiques, et ce n’est pas son illégitimité en matière de culture qui lui portera secours.
 Alors avec un peu d’arrogance et beaucoup de mépris, Cécile Duflot sera sa première victime. Les règles de politesse sont bien sûr exclues (« Elle ne veut pas parler logement ! », « Bah pourquoi avoir écrit un livre ? »). La première invitée, qui n’est pas un animal politique de premier plan, répond avec honnêteté aux questions, mêmes les plus franches. Elle se rend bien vite compte que son interview aura pour seul objectif de faire les gros titres du lendemain, l’écologie passera en second plan.
Alors qu’elle évoque les attaques injustes et souvent sexistes dont elle a été victime, notamment à cause de ses vêtements, et après avoir abordé l’affaire Cahuzac (« On ne m’a pas cru lorsque j’ai déclaré mon patrimoine, ou on disait que je n’étais pas compétente parce que je n’avais pas réussi à avoir beaucoup d’argent »), Léa Salamé voit une brèche.
 Une première ligne jaune
 L’ancienne ministre, dont la loi principale vient d’être en partie abrogée, évoque des attaques personnelles. C’est donc le moment de poser une question agressive et de conclure par un cinglant « Répondez ». Cécile Dufflot commence en bafouillant, sauvée in extremis par Laurent Ruquier qui recadre sa chroniqueuse.
 C’est à partir de ce moment que le bât blesse. Alors que visiblement l’affrontement était l’objectif de Léa Salamé, la situation s’est retournée contre elle. Pousser l’ex-ministre dans ses retranchements a lamentablement échoué. Sans affaires de corruption ou de détournement, sans contradiction majeure, avec une loi sur le logement largement votée et soutenue par la gauche et une personnalité proche des français, difficile d’être attaquée.
 Dans sa course au bruit, voire au « buzz », Léa Salamé a oublié qu’une interview vérité peut se faire avec respect et pondération. Le fait d’être nouvelle dans l’émission ne peut pas tout excuser. On ne peut pas prendre une cadre politique pour une abrutie en s’adressant à elle avec mépris. Léa Salamé ne s’adressait pas à une mutli-corrompue, habituée des tribunaux et des scandales. En revanche, elle a vu une faiblesse dans l’absence de poids politique des écologistes aujourd’hui… Ce qui a fait de l’ex-ministre une cible presque facile.
 Taper pour taper ?
 Après cette première interview, je pense que Léa Salamé devrait se remettre un minimum en question, parce que c’est ce même mépris qui a ruiné la carrière d’Eric Naulleau, l’un de ses prédécesseurs, depuis abonné aux affrontements stériles et aux émissions sans audience.
 « On n’est pas couché » revient après huit saisons saluées par les médias et les téléspectateurs. Un nouveau plateau, une nouvelle rubrique assez réussie signée Florian Gazan (« La revue de presse ») et surtout un nouveau duo Caron/Salamé sont les essentielles modifications apportées.
 Alors que Laurent Ruquier reste un maître du genre et qu’Aymeric Caron assume cette année davantage son engagement pour les vérifications par les faits, Léa Salamé devrait se poser davantage de question à la suite de ce naufrage cathodique sur son rôle de journaliste qui ne serait se résumer à celui de bruyant roquet de comptoir.
 Édité par Henri Rouillier

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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