Valérie Trierweiler – Le déballage indigne de notre démocratie : un mélange des genres écoeurant; une confession obscène et irresponsable

Nouvel Obs 04-09-2014
LE PLUS. « Merci pour ce moment ». C’est le titre du livre de Valérie Trierweiler, à paraître  jeudi, et dont « Paris Match » publie les bonnes feuilles. Un bon coup d’édition, mais un mauvais coup pour l’image du pouvoir et du journalisme, aux yeux de notre chroniqueur politique Olivier Picard, auteur de « Mariage, sexe et tradition » (Plon).
« Je trouve la confession de Valérie Trierweiler irresponsable. Bien plus obscène, au fond, qu’un film porno bas de gamme »

Valérie t1127-GLEZ-B

Dessin de Glez paru dans Journal du Jeudi, Ouagadougou.
Chaque couple a son histoire et seuls les deux êtres qui le composent peuvent vraiment décrypter les épisodes de son roman. Qui sommes-nous, pauvres journalistes, pour écrire le feuilleton intime d’un homme et d’une femme ? Pour juger de la qualité du scénario comme des responsabilités respectives de ses acteurs ? Pour décider qui a raison et qui a tort. Qui devait parler et qui devait se taire.
 Il ne s’agit donc pas de le faire en distribuant dans cette chronique les bons et les mauvais points, mais de livrer le sentiment qu’inspire un tel déballage et l’opération qui l’orchestre. Et ce sentiment, c’est de l’écœurement.
 Un déballage indigne de notre démocratie
 Comme toute compagne, Valérie Trierweiler a évidemment le droit – dans l’absolu – de raconter son sentiment amoureux, la façon dont les circonstances de la vie l’ont abîmé et la souffrance que sa rupture a générée.
 Mais peut-on prétendre user de cette liberté quand on a partagé la vie d’un président de la République et qu’on engage fatalement l’image publique d’un homme au-delà de sa propre personne? Et au-delà, qu’on attente à la représentation que l’on se fait d’une institution à travers celui qui l’incarne ?
 Peut-on prétendre user de cette liberté en mettant en place, en son nom, une opération éditoriale et commerciale de grande ampleur avec l’ambition affichée d’obtenir un retentissement d’une ampleur exceptionnelle avec 200.000 exemplaires mis d’emblée sur le marché ? Avancez, mesdames, messieurs, vous saurez tout sur les dessous de la vie du président !
valérie trierweiler-9.jpg Nalair Peut-on prendre un tel risque impunément ? Franchement, je ne le crois pas. Franchement, je trouve cela indigne. Indigne de notre démocratie, indigne de notre métier, indigne de l’amour que l’on prétend faire survivre dans les pages écrites à l’encre de la passion, de la tendresse, de la déception, du ressentiment, de la rage peut-être… De tous ces fragments d’humanité qui méritent tellement mieux que ce barnum. Mieux que le détournement de ce joli titre, « Merci pour ce moment », qui pourrait faire croire à l’absence élégante de toute rancune quand la vengeance, consciente ou non, est au cœur de la dynamique de l’ouvrage.
Un vulgaire mélange des genres
 Ce qui choque profondément le professionnel que je suis, ce n’est pas l’impudeur de la confession – qui peut être magnifique comme un tourment trop puissant pour être dompté – mais la vulgarité du mélange des genres. La pauvreté du calcul. Le côté crasse de cette nouvelle polémique qu’on nous inflige, moins de neuf mois après le psychodrame élyséen. Le temps d’une gestation, mais certainement pas celui d’une nécessaire prescription.
 Les histoires d’amour ou de sexe, ou les deux, entre les journalistes et le pouvoir, courent à en perdre haleine, depuis des décennies, pour échapper au piège malsain d’une forme de tromperie du lecteur, de l’auditeur, du téléspectateur. Pour éviter l’inévitable déni d’une valeur fondamentale de notre métier : la distance indispensable pour analyser un fait ou un événement.
 Il arrive bien sûr que l’intensité balaie toutes ces préventions pour le meilleur et pour le pire. C’est l’irrésistible élan de la vie et ce n’est pas répréhensible.
 Mais Valérie Trierweiller ne peut s’en prévaloir. Comme une enfant gâtée qui avait pourtant choisi le soleil du pouvoir et le risque de s’y brûler les ailes, elle a balayé d’un revers de main revanchard cette si précieuse retenue qui n’a rien à voir avec de l’autocensure. Elle a écrasé cette pépite de mystère doublement indispensable dans une vie d’homme ou de femme comme – et a fortiori d’un responsable politique – et le prive ainsi d’une dimension vitale. De l’imaginaire qui l’enveloppe.
 Tout cela avec la complicité de l’hebdomadaire dont elle est la salariée et qui, circonstance aggravante, a méthodiquement organisé le secret pour faire un coup. Un mauvais coup contre nous tous, qu’on va habiller, bien entendu, des habits respectables de la vérité, de la force du témoignage, de l’authenticité d’une chronique iconoclaste de la République.
Une confession obscène et irresponsable
 Était-il vraiment nécessaire de mettre le chef de l’Etat devant le fait accompli, à poil devant son pays, au motif que lui-même est loin d’être exemplaire dans ses relations avec les femmes de sa vie ? Cette transparence-là n’est pas claire. Glauque même. À quand, tant qu’on y est, les détails sur les pannes présidentielles, métaphore d’une impuissance à relancer la croissance ?
 Je trouve la confession de Valérie Trierweiler irresponsable. Bien plus obscène, au fond, qu’un film porno bas de gamme.
 Le pire, c’est que ça va marcher. Vous savez quoi ? Je ne suis même pas sûr de résister à la curiosité de lire ce brûlot très pervers. Comme tant d’autres, je pourrai céder au voyeurisme avec une bonne excuse : l’exigence d’être (bien) informé. Ah, ces petites vertus du professionnalisme qui poussent à faire quelques coups de canif à ses principes. Sauf que certains finissent un jour par être mortels.
 Édité par Rozenn Le Carboulec  Auteur parrainé par Aude Baron

Valerie-Trierweiler

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans Débats Idées Points de vue, Médias, Politique, réflexion, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.