Sommet – l’OTAN affiche sa fermeté face à Vladimir Poutine

LE MONDE | 04.09.2014

C’est bien Vladimir Poutine qui aura sauvé des eaux le sommet que l’OTAN réunit les 4 et 5 septembre à Newport, au Pays de Galles.

alemonde OTAN

Maquette à l’échelle 1 d’un Eurofighter Typhoon devant l’hôtel où se tient le sommet de l’OTAN, les 4 et 5 septembre à Newport, au Pays de Galles. | REUTERS/POOL
Les agressions russes contre l’Ukraine, ajoutées aux défis du terrorisme de l’Etat islamique, auront transformé cette réunion sans enjeu en un « moment crucial », selon la formule du secrétaire général de l’Alliance, Anders Fogh Rasmussen. Ce sommet, le premier sur le sol britannique depuis celui de 1990 à Londres, juste après la chute du mur de Berlin, affichait un maigre ordre du jour. Il devait être celui de la victoire en Afghanistan. Mais aucun pays membre n’osait plus évoquer en ces termes la sortie de la force internationale du pays fin 2014.
L’OTAN n’envisage aucune opération en Ukraine, qui n’est pas un Etat membre de l’Alliance. Mais le sentiment d’insécurité créé par la crise a bien des implications militaires, conviennent les Alliés. Voilà les 28 Etats mobilisés au nom des principes définis en 1949 : la défense collective fondée sur l’article 5, qui prévoit qu’une attaque contre un membre de l’organisation sera considérée comme une agression contre tous. « Le sommet assurera que l’Alliance est prête, capable et désireuse de répondre à toute attaque », souligne M. Rasmussen. A la demande du premier ministre hôte, David Cameron, une déclaration rendra hommage aux forces armées qui ont payé en Afghanistan le prix de sang. Mais le vrai bilan de l’intervention attendra.
DIFFICILE ÉQUILIBRE
L’aggravation de la situation en Ukraine mobilise les 60 chefs d’Etat et de gouvernement venus avec leurs ministres des affaires étrangères et de la défense à Newport. Elle les divise, aussi : la vieille Europe veut conserver l’espace d’une négociation – « la pression sur Poutine n’a de sens que si elle est liée à un processus politique », explique une source de haut niveau à Paris. La « nouvelle Europe » aimerait des mesures bien plus fermes.
C’est en raison de cette aggravation que la France a annoncé, mercredi 3 septembre, qu’elle ne livrerait pas, pour l’heure, son premier porte-hélicoptères Mistral à la Russie. La vente, contestée par les Européens de l’Est, n’est pas cependant pas annulée.
« Depuis la fin de la guerre froide, nous avons fait de nombreuses tentatives pour développer un véritable partenariat stratégique, indique M. Rasmussen, aujourd’hui, la Russie ne nous voit plus comme un partenaire, mais comme un adversaire. Je le regrette fortement mais nous allons nous adapter. »
Les Etats-Unis assurent que plusieurs dizaines d’unités russes constituées sont entrées en Ukraine. La France nuance. Mais les services de renseignement convergent pour dire que de 1 000 à 4 000 soldats russes, avec des équipements lourds, combattent désormais directement dans le pays.
Pas question cependant de décrire l’ex-partenaire comme un « ennemi ». Dissuader M. Poutine d’aller plus loin sans lui donner de signal agressif lui donnant prise, tel est le difficile équilibre choisi. « Il faut que l’OTAN soit une force d’apaisement et de réassurance. Elle doit montrer qu’elle est solidaire et puissante. Il ne doit pas y avoir de sujet d’excitation », indique-t-on à l’Elysée. « La dissuasion de l’OTAN marche, les Russes n’imaginent pas mettre des forces armées sur le territoire de l’Alliance et l’OTAN ne va pas faire la guerre à la Russie », ajoute un diplomate britannique.
L’OTAN va aider les forces ukrainiennes à se former et à s’entraîner. La question de l’intégration est écartée. « Ce n’est pas le moment d’un débat approfondi, ni sur l’Ukraine ni sur la Géorgie », souligne la même source britannique. « L’OTAN est une alliance à 28 pour défendre les 28 », dit-on au ministère français de la défense. Le sommet réaffirmera la traditionnelle position de la « porte ouverte ».
ÉTATS-MAJORS MULTINATIONAUX RENFORCÉS
La Pologne et les pays baltes réclamaient des bases permanentes. Selon eux, le président russe ne va pas s’arrêter là et certains évoquent déjà ses cibles suivantes : la Transnistrie, ou le soulèvement de la minorité russe d’Estonie – 30 % de la population du pays.
Pour répondre à leur inquiétude, l’OTAN va rénover sa force de réaction rapide. La NATO Response Force (NRF), jamais utilisée, compte 5 000 hommes mobilisables dans un délai de trente à soixante jours. La nouvelle force « très réactive » est déjà pourvue d’un slogan : « Travel light and strike hard » (Voyager léger, frapper fort). Elle comptera des unités prêtes en deux jours (un bataillon de 800 hommes) et d’autres entre cinq et sept jours (une brigade de 5 000 hommes).
Des états-majors multinationaux, en Pologne, Grande-Bretagne et France, seront renforcés. Des installations logistiques, avec munitions et équipements, seront disposées à l’est (Pologne, pays baltes, Roumanie, Bulgarie), prêtes à servir. « Le plus important n’est pas d’être permanent mais d’être vraiment présent sur le terrain », résume M. Rasmussen.
Cela s’accompagne d’un plan d’exercices plus ambitieux. Charles Kupchan, le directeur des affaires européennes du Conseil de sécurité national américain, indiquait ainsi, fin août, que le positionnement permanent de troupes de l’OTAN viendrait contredire l’Acte fondateur OTAN-Russie de 1997 aujourd’hui suspendu mais non abrogé. Mais la NRF, assortie de « rotations et d’exercices continuels » et d’avant-postes « permanents », permettra, selon lui, de répondre aux besoins de sécurité des pays de l’Europe centrale et orientale.
L’autre grand sujet, le lien transatlantique, doit déboucher sur un nouvel engagement à mieux « partager le fardeau » de l’Alliance. Les 28 Etats membres vont se fixer pour objectif de dépenser 2 % de leur PIB pour leur défense d’ici à 2025, dont 20 % pour les investissements nouveaux. L’OTAN compte 13 des 20 pays dont les budgets de la défense ont baissé le plus vite depuis 2012, ont souligné les experts londoniens d’IHS Jane’s, le 1er septembre : 93 milliards de dollars (71 milliards d’euros) de moins en deux ans. Avec 900 milliards de dollars de dépenses militaires contre 80 pour la Russie, les 28 membres continuent de dominer grâce au poids américain (75 % des dépenses de l’OTAN). Mais la dynamique nourrit une perte de crédibilité préoccupante.
Pour l’ancien ministre des affaires étrangères, Hubert Védrine, que le président François Hollande avait chargé d’un rapport, l’OTAN est toujours « une organisation qui a un problème existentiel, même si les événements en Ukraine créent conjoncturellement un réflexe de reconstitution à l’ancienne manière ». Il n’est, selon lui, « pas négligeable que les Européens aient réussi à réengager les Etats-Unis sur l’article 5, mais cela ne suffit pas ». Evaluation des opérations libyennes et afghanes, utilité de l’Alliance face au terrorisme, capacités de dissuasion… l’agenda de M. Poutine a évincé ces questions de fond.
Nathalie Guibert
Journaliste au Monde
Jean-Pierre Stroobants (Newport, envoyés spéciaux (avec Gilles Paris à Washington))
Journaliste au Monde

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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