Les nouvelles filières politiques pour entrer dans la carrière

Le Canard Enchaîné – 11/09/14 / Alain Guédé
C’est une révolution silencieuse, qui modifie peu à peu le visage du la République et du Parlement. Sans que personne n’y prenne vraiment garde, les hommes et femmes politiques échappent peu à peu à un passage, en début de carrière, par le monde du travail, pour constituer une caste de purs professionnels… de la politique. Quelques députés le regrettent : « Longtemps, la politique a été un virus. C’est devenu un métier« , gémit un parlementaire socialiste. Pour mesurer l’ampleur du phénomène, « Le Canard » s’est immergé dans la biographie des députés.
jpg_dynastie-politique-pier-29331Verdict : en trois élections, de 2002 à 2012, le nombre de pros de la politique ayant réussi à se faire élire à l’Assemblée a augmenté de plus de 50%, soit 158 députés. Avant de conquérir leur siège dans l’actuelle Assemblée, 27% étaient déjà dans le jus, salariés directs ou indirects d’un parti ou d’un homme politique. Trois fois plus que dans les Assemblées de 1958 à 2007, selon une étude de Luc Rouban, publiée en 2011 par le Centre d’étude de la vie politique française (le labo de recherche de Sciences-Po).
Raison essentielle : l’inflation des métiers de la politique. Les jobs de collaborateur, de parlementaire ou d’élu territorial (tous payés par les finances publiques) se multiplient comme les escargots après la pluie. La plupart des députés ou des sénateurs disposent de deux assistants, nombre de conseillers régionaux en ont embauché un. Et, dans les mairies et les conseils généraux, les cabinets ne cessent de s’étoffer. Quand aux cabinets ministériels devenus pléthoriques, ils sont une pépinière de candidats à la carrière.
Pouponnières parlementaires
Quelques têtus respectent encore l’antique cursus honorum, qui imposait à tout candidat de se faire adouber par l’électeur lors d’une longue course d’obstacles. A l’image du député de l’Orne, Joaquim Pueyo. L’homme a débuté à moins de 30 ans, en créant un comité des fêtes dans son village d’à peine 200 âmes. Il en est devenu le (jeune) maire, avant d’être conseiller général sans étiquette et, enfin, maire d’Alençon en 2008. Il lui afallu atteindre l’âge de … 62 ans pour pousser les portes du Palais-Bourbon. Tout le contraire des raids directs sur l’Assemblée. A la manière d’Henri Guaino, aujourd’hui député des Yvelines, après Sciences-Po, la Cour des comptes et, surtout, un passage remarqué à la cour du roi Sarko.. Ou de Guillaume Larrivé, énarque, pilier des cabinets ministériels (Sarko, Baroin, Hortefeux) avant de fondre sur le fief de Jean-Pierre Soisson, dans l’Yonne. Comme eux, dans la nouvelle Assemblée, 19,5% des élus de droite et 13,7% de ceux de gauche sont passés par un cabinet ministériel ou par l’Élysée. Toutes couleurs confondues, 15,6% des députés ont servi un ministre avant de décrocher un siège à l’Assemblée.

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Promotion cabinet
Pour certains, c’est là toute leur expérience professionnelle. Olivier Marleix (UMP), par exemple, a décroché le pompon en Eure-et-Loir après avoir conseillé Nicole Catala, Michèle Alliot-Marie, Brice Hortefeux, Claude Guéant puis le président du conseil général de son département. « Ces nouveaux députés étaient auparavant liés par un contrat de subordination (à leurs ex-parrains), souligne un spécialiste en sociologie politique. Cela pose quand même un petit problème de voir qu’une partie du législatif, censé contrôlé l’exécutif, lui est totalement redevable.« 
Certains viviers traditionnels de l’Assemblée s’appauvrissent : en 1981, les professeurs du secondaire, de préférence barbus, formaient le plus gros bataillon des députés de gauche, avec 20% des élus. En 2007, ils n’étaient plus que 11%. Aujourd’hui, ils sont largement dépassés par les salariés locaux de la politique. A droite, les professions libérale s (17% en 2007) ont été détrônés par les parachutés des cabinets ministériels. « Jusqu’à présent, pour se faire élire, il fallait se battre sur le terrain et exercer à toute heure un vrai travail d’assistante sociale. Aujourd’hui, l’élection apparaît comme une banale promotion dans un plan de carrière ! peste un vieux député. Qu’est-ce que ces gens connaissent des électeurs ?  » C’est toute la question.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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