Marianne 18/09/2014 |
Patrimoine : comment la droite a liquidé les bijoux de famille
Entre 2005 et 2008, alors que Jean-François Copé puis Eric Woerth dirigeaient le ministère du Budget, une petite société immobilière parisienne a raflé plusieurs bâtiments prestigieux.
Dans l’opacité la plus totale. « Marianne » lève le voile dans son numéro en kiosques demain et disponible dès aujourd’hui au format numérique.
Le 3 avenue Octave-Gréard dans le VIIe arrondissement de Paris, à deux pas de la Tour Eiffel, acheté pour 61,1 millions d’euros – Photo : Samuel Bouaroua pour « Marianne »
C’est une petite société spécialisée dans l’immobilier dont vous n’avez probablement jamais entendu parler. Elle porte le nom peu exotique de Foncière des VIe et VIIe arrondissements de Paris, ce qui attire certes moins l’attention que Qatar Investment Authority, et rassure plus que Fonds souverain chinois – ces deux ogres de l’immobilier de luxe parisien.
Pourtant, cette entreprise a acquis en dix ans pour près de 360 millions d’euros de biens publics d’exception – ces hôtels particuliers et autres immeubles de prestige mis en vente par l’Etat pour combler son déficit… C’est ce qui s’appelle se spécialiser en bijoux de famille.
Et savoir bien les exploiter : en 2013, cette minuscule structure de sept salariés, qui retape les lieux avant de les louer, affichait un bénéfice rondelet de 23 millions d’euros environ, entièrement redistribué à ses actionnaires et totalement exonéré d’impôt sur les sociétés – le charme des Siic (société d’investissement immobilier cotée). Florissant. Et piquant la curiosité. Car, si toutes ces cessions dites amiables ont fait l’objet au préalable d’un appel d’offres, le choix final du candidat n’a jamais été encadré sérieusement sur le plan juridique.
Dans la plupart des opérations, l’Etat s’est même retrouvé dans l’obligation de louer le bien qui lui appartenait jusqu’ici, alors qu’il cherchait précisément à faire des économies ! De quoi susciter quelques soupçons sur la bonne fortune de cette foncière, dont les accointances avec les gouvernements successifs de droite ne laissent pas d’étonner.
Enregistrée initialement auprès du tribunal de commerce de Meaux, cette SARL avait pour vocation, à l’origine, de constituer un pôle hôtelier. Fin 2005, alors que Jean-François Copé – ministre du Budget – annonce son souhait de « moderniser » la gestion immobilière de l’Etat, elle change subitement de braquet et décide de placer ses billes « dans les plus prestigieux quartiers de la rive gauche de Paris ».
La liste de ses principaux actionnaires n’a, a priori, pas de quoi susciter l’émotion : il s’agit de gros assureurs désireux de faire fructifier leurs liquidités dans la pierre (Covéa, Allianz, Crédit mutuel vie). Mais les CV des représentants de ces compagnies dans la foncière soulèvent, eux, quelques interrogations.