LE MONDE | 20.09.2014 |
« Si quelqu’un imaginait que le non écossais pouvait faire de l’ombre au processus catalan, il se trompait. Au contraire, il sort renforcé par cette leçon de démocratie. » Le président du gouvernement nationaliste catalan, Artur Mas, a été clair, vendredi 19 septembre : le résultat du vote écossais ne change en rien sa feuille de route. Et comme pour en convaincre ceux qui pouvaient en douter, le Parlement régional a été réuni en session plénière extraordinaire l’après-midi même et a voté à une très large majorité (106 voix pour et 28 contre) la « Loi de consultations populaires non référendaires et de participation citoyenne ».
Elle a été élaborée sur mesure pour permettre au gouvernement nationaliste de Convergence et Union (CiU) d’inscrire dans un cadre légal le référendum consultatif, non contraignant, du 9 novembre, lors duquel il entend poser une question double aux Catalans : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat ? Et si oui, voulez-vous que cet Etat soit indépendant ? » M. Mas, qui a invité Mariano Rajoy à prendre exemple sur David Cameron et « ne pas avoir peur de la démocratie » n’a plus à présent qu’à publier le décret par lequel il convoque officiellement cette consultation.
Dès lors, la réponse de Madrid ne se fera pas attendre. Fermement opposé à la tenue de la consultation, qu’il considère anticonstitutionnel, le gouvernement conservateur du Parti populaire a indiqué son intention de convoquer un conseil des ministres extraordinaire dès la publication du décret, ce week-end s’il le faut, afin d’approuver au plus vite les premiers recours contre la loi catalane, considérée comme un nouvel affront de Barcelone. Ces recours seront alors envoyés devant le Conseil d’Etat, puis au Tribunal constitutionnel, afin qu’il suspende le référendum le temps d’émettre son avis.
« BALKANISATION »
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Rajoy avait prévenu ces dernières semaines que « toutes les mesures » pour empêcher la consultation étaient prêtes. Et ces derniers jours, il s’est fait plus virulent, voyant la date du référendum écossais approcher. Le 17septembre, il assurait que « pour l’Ecosse, la sécession serait une catastrophe et aboutirait à une balkanisation. »
Vendredi, visiblement soulagé, il s’est félicité du non écossais dans une allocution qui s’adressait en filigrane à la Catalogne. « Les Ecossais ont choisi entre la ségrégation et l’intégration, entre l’isolement et l’ouverture, entre la stabilité et l’incertitude, entre la sécurité et le risque assuré », a-t-il déclaré, affirmant qu’ils ont ainsi évité « les grandes conséquences économiques, sociales, institutionnelles et politiques qu’aurait supposées leur séparation du Royaume-Uni et de l’Europe. »
Artur Mas, le 19 septembre au Parlement catalan, à Barcelone. | AP/Manu Fernandez
Reste à présent à savoir quelle sera la réponse du gouvernement de M. Mas aux recours que ne manquera pas de déposer le gouvernement central. Pris en étau entre l’opposition ferme de Madrid et l’insistance tout aussi ferme des indépendantistes de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC) de maintenir à tout prix la date du référendum, il devra décider s’il « sort les urnes dans la rue » et appelle à la « désobéissance civile », comme lui demandent ERC et les influentes associations indépendantistes, ou s’il annule la consultation. Dans ce cas, il pourrait être contraint à annoncer des élections régionales anticipées, puisqu’il ne gouverne que grâce au soutien intéressé d’ERC, monnayé au prix de la tenue du référendum.
Sandrine Morel (Madrid, correspondance) Journaliste au Monde