Jean-Noël Guérini réélu et immunisé

Bakchich info – 28/09/14 – Xavier Monnier
Lesté de trois mises en examen, démissionné du Parti socialiste, le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône conserve son siège de sénateur, accompagné de deux ses proches. Et se présentera drapé de son immunité devant les tribunaux.
Douce fin de semaine à Marseille. Le thermomètre oscille entre 25 et 28 degrés, le ciel présente son plus beau bleu, la Méditerranée ouvre ses eaux autour de 23 degrés. Une invitation au laisser-aller avant le dimanche électoral. 3521 grands électeurs sont appelés à élire les 8 sénateurs du département. Les pronostics dessinent depuis des semaines la même issue : « 5, 2, 1», parie un hiérarque de la droite, sûr de son fait. Soit 5 élus UMP, deux pour les listes de Jean-Noël Guérini, démissionnaire du PS mais bien accroché à la tête du Conseil général, et un à se disputer entre le Front National et le Parti socialiste. La droite mise sur la mécanique enclenchée lors des municipales. Avec 61 élus à Marseille et les délégués supplémentaires désignés, la bande à Gaudin compte effacer la déconvenue de 2008. La liste d’union de la gauche, emmenée par Jean-Noël Guérini, avait raflé 5 sièges.
Ouverts de 9 h à 15 h, les douze bureaux de votes sont logés au sein de la préfecture. À l’accès dûment réglementé. Carte de presse insuffisante, une accréditation est nécessaire aux gratte-papier. «On est quand même en plan vigipirate», justifie la com’. Qui demande aux journalistes de sortir pour le dépouillement des voix. Franck Dumontel, grand électeur, époux et conseiller de Samia Ghali, arrive la mine sombre. Dominique Tian, premier adjoint UMP de la mairie de Marseille, sort ravi. L’ex-ministre socialiste Marie-Arlette Carlotti se convainc dans un rire : «Tout va bien non? »
Des cigares à la Folle Epoque
Une heure à peine est passée. Deux scrutateurs de l’équipe rapprochée de Guérini s’extraient tout sourire de la préfecture, allument deux barreaux de chaises – des Partagas -, et lâchent, malicieux : «On en a trois, c’est sûr. Samia (Ghali) est au coude à coude avec la communiste. Ravier en a un et Gaudin en a cinq.» Une Bérézina pour le PS, un bâton de maréchal pour le maire et son vieux complice du Conseil général, qu’il connaît depuis leur apprentissage commun dans le sillage de Gaston Defferre.
A la Folle époque, bar de la place Félix Barret, en face de la préfecture, les deux émissaires viennent porter la bonne parole. Elus du conseil général, fonctionnaires du département remplissent la terrasse, s’amusent des déclarations de Samia Ghali. La maire socialiste des Quartiers Nord assure que «des voix ont été achetées», en référence à l’aide aux communes que le département verse aux municipalités. Entre 100 et 150 millions par an… «Ben voyons, c’est elle qui nous accuse d’acheter les voix, on aura tout vu», lâche une membre de l’équipe rapprochée de Nono. «Dans la Creuse aussi on a acheté les voix parce qu’ils ont perdu?» Attablé à l’intérieur du bar, Guérini fait ses comptes. Entrée gentiment barrée aux journalistes, interdiction d’aller parler au chef qui énumère les résultats pour sa garde rapprochée. Bureau de vote par bureau de vote.
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Force du 13, cauchemar du PS
Pour éviter que les bulletins soient par trop identifiables -et que les communes deviennent la cible de représailles politico-financières- les bureaux ont été découpés par ordre alphabétique. La manoeuvre n’a pas suffi. Irrigués depuis 15 ans des bienfaits du Conseil Général, les élus du départements ont lâché 1025 voix au sénateur Guérini. «Oh Michel, fait péter le Jéroboam de champagne». Le docteur Amiel, fidèle d’entre les fidèles, troisième de liste, accompagnera son guide au Palais du Luxembourg avec Nicole Jouve. «Qui aurait pu imaginer ça», siffle, admiratif, un supporter guériniste. D’autant que selon le décompte final, le pestiféré de la politique marseillaise fait finalement jeu égal avec Jean-Claude Gaudin, dont la liste compte également trois élus. Le Front national porte le maire des 13-14e arrondissement, Stéphane Ravier, au Sénat quand Samia Ghali, la maire des 15e-16e arrondissement sauve son immunité parlementaire pour quatre voix. «Je félicite Jean-Claude Gaudin et Samia Ghali pour leur réélection», commence Guérini devant les médias. Gilbert Gaudin, son communicant, esquisse un sourire. Lui connaît la suite du communiqué, même s’il craint les débordements du patron. «Je m’étonne qu’on me parle d’achat de voix, qu’on polémique sur l’aide aux communes alors qu’il y a 6 ans personne ne trouvait rien à y redire, surtout les personnes élues sur mes listes». Attaque directe à l’attention de la sénatrice Ghali, avant une autre, plus classique, à l’attention de son ancien directeur de campagne Patrick Mennucci : «Il porte la responsabilité de l’élection du FN à la mairie des 13/14 et donc de l’élection au Sénat du Front National». Les yeux de Gilbert Gaudin commencent à rire, Nono s’en prend gentiment aux journalistes. «Arrêtez d’écrire que j’ai été exclu du PS, j’ai démissionné». Et l’homme de critiquer la loi sur la métropole, le gouvernement, d’en appeler aux mannes de Defferre et de sa loi de décentralisation de 1983.
L’ogre du bâteau bleu
images48KKDKNQLa claque ne concerne pas que le seul Parti Socialiste. La rose marseillaise maintient son score des municipales, à égalité avec le Front national. «On a été tentés de jouer la politique du pire, avoue un parlementaire local. Mais on a fait le boulot. Moins pour Sami que pour le Parti». Avec seulement 3 élus, l’UMP est elle sonnée. A égalité avec Guérini, ses voix semblent surtout avoir été siphonnées par le Front National. Sur la liste de Stéphane Ravier se sont cristallisées 431 voix, 100 de plus que le laissaient espérer le nombre des grands électeurs du Front. L’alliance nouée entre Gaudin et Guérini lors des municipales, que ce soit à Marseille (ralliement du PRG lors du 2e tour) ou Istres (soutien officieux au candidat Bernardini), a tourné à l’avantage du second…
Qui promet de nouveaux combats.  «Je lance dès la semaine prochaine la transformation de la Force du 13, qui va devenir un parti politique». En ligne de mire, les cantonales, prévues en 2015. Un cauchemar pour le PS dont les huiles locales comme nationales ne cessent de tergiverser sur le sort à réserver aux guérinistes…
Deux petits obstacles se présenteront un peu plus tôt. Le 13 octobre, un premier procès, pour détournement de fonds publics, réunira Guérini et le premier secrétaire actuel du PS Jean-David Ciot au tribunal correctionnel de Marseille. Un galop d’essai avant le grand procès Guernica (les marchés truqués du département, les liens avec le grand banditisme, corruption) annoncé pour 2015. Rien d’insurmontable pour un élu de la nation.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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