Ecotaxe : les très chères funérailles

Charlie Hebdo – 15/10/2014 – Oncle Bernard

En 2007, le Grenelle de l’environnement, sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, décide le principe d’une « écoredevance », rebaptisée « écotaxe », destinée à taxer les transport routier. L’idée est simple : intégrer, le coût sanitaire de la pollution atmosphérique dans les dispositifs de tarification des routes nationales et des autoroutes, et favoriser la substitution d’autres modes de transport. 

Le produit sera affecté aux infrastructures ferroviaires et au transport fluvial. La taxe est prévue pour 2010. En 20009, le Parlement vote à la quasi-unanimité (moins quatre voix), l’écotaxe. Les transporteurs obtiennent le droit de répercuter le coût sur les clients. Fin 2013, la révolte des bonnets rouges suspend l’écotaxe. Elle est remplacée par le « péage de « transit » qui ne s’applique plus qu’aux camions de plus de 3,5 tonnes. A la suite des menace des routiers de bloquer les routes et paralyser ainsi le pays Ségolène Royal enterre le « péage de transit » et donc l’écotaxe. Et les routiers échappent à la hausse des taxes sur le gazole.

A quoi bon voter puisque ce qui est décidé à l’unanimité est effacé par un lobby ? Il n’y a pas plus moche, plus sale et plus bruyant qu’un camion. Camionneur fait partie de ces métiers immondes, comme tueur dans un abattoir. Il en faut. Mais je suis convaincu que 95% des camionneurs font ce boulot de dingue, affreux, parce qu’ils sont contraints et forcés.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la pollution de l’air (due pour moitié aux transports) entraîne 3,7 millions de morts dans le monde. En Europe, 350 000 décès sont indirectement dus aux trafic routier, 18 500 en France*. Cette pollution génère, selon l’OCDE, un coût de 45 milliards d’euros en Europe. La moitié est due aux transport routier.

La France est en retard en matière de taxation écologique. Touts taxes confondues ( en incluant notamment les taxes sur l’essence et le gazole, la fiscalité écologique représente 1,8% du PIB. C’est loin de l’Allemagne, du Royaume-Uni, de l’Italie Seule l’Espagne fait pire. Bref.

Camionneurs de tous pays, devenez écolos !

* A titre de comparaison, les accidents de circulation ont provoqués 3 645 morts en 2012 et  2.395  en 2013.

 

Une addition de bonne facture Le Canard Enchaîné – 15/10/2014 – Hervé Martin

L’enterrement de l’écotaxe va coûter cher aux finances publiques. L’indemnité de rupture prévue dans le contrat signé avec Ecomouv’ s’élève à environ 800 millions d’euros. Ce qui correspond au montant des investissements réalisés par Ecomouv’ pour mettre en place le système, plus la perte sur les bénéfices escomptés par la société pendant dix ans. S’y ajoutent les loyers (16 millions par mois) non payés depuis le 1er mars, date à laquelle les installations ont été déclarées opérationnelles. Soit à ce jour, 160 millions.

On en est donc déjà à un bon milliard, en comptant les frais de démontage des portiques. Si l’État ne veut pas payer s’ouvrira une phase contentieuse devant les tribunaux. Autostrade, maison mère d’Ecomouv’, ne cache pas son intention de demander alors quelque 500 millions pour l’atteinte portée à son image. S’ajoutera à tout cela le plan social pour les 170 salariés engagés par Ecomouv’ à Metz. Sans oublier le reclassement des 160 douaniers eux aussi mutés à Metz pour les besoins du projet.

Côté contribuables, il est d’ores et déjà acquis qu’ils paieront le gazole 2 centimes plus cher. Soit une ponction de 700 millions par an. « On a voulu taxer les camions, et ce sont les ménages qui vont l’être », soupire le député (socialiste) Gilles Savary Et il reste encore 250 millions à trouver.

Les autoroutes paieront ? Faut voir… 

Royal propose de faire payer les sociétés d’autoroutes, qui réalisent de juteux bénéfices. Michel Sapin, lui, assure que ça ne marchera pas. Les concessionnaires, estime-t-il, « bénéficient de contrats extrêmement bien faits qui prévoient que si il y aune augmentation de fiscalité, il doit y avoir une compensation… » Avec une menace : si on les taxe, ils renonceront au projet de financer 3,2 milliards de travaux sur leurs réseaux. Des travaux qui devraient créer 15 000 emplois et pour lesquels ils ont déjà obtenu du gouvernement la promesse d’un allongement de plusieurs années de la durée de leur concession !

Ces mêmes concessions que ce même gouvernement dénonce, depuis des années, comme étant scandaleusement favorables aux sociétés d’autoroutes…