L’Europe va-t-elle renouveler l’autorisation de l’herbicide Roundup, alors que de nombreux pays l’interdisent ?

Nexus – Revue mensuelle Science & Alternative – Sept/Oct 2014
Le scandale de la réévaluation du glyphosate en Europe. Alors que de nombreux pays l’interdisent, l’Europe va-t-elle renouveler l’autorisation du Roundup ?
En tant qu’état membre rapporteur pour l’Union européenne (RMS), l’Allemagne a soumis à l’Autorité européenne de sécurité (EFSA), en janvier 2014, son rapport de réévaluation des risques (RAR) sur le glyphosate. Elle y recommandait de renouveler l’autorisation de celui-ci en Europe, tout en augmentant la dose journalière admissible (DJA) de 0,3 à 0,5 milligramme par kilo de poids et par jour.

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Le RAR conclut également à l’absence de risques inacceptables. Selon le rapport, le glyphosate n’est ni métabolisé, ni accumulé dans l’organisme, il n’est ni mutagène, ni cancérogène; ce n’est pas un perturbateur endocrinien; il n’est pas considéré comme persistant et ‘entraîne pas de bioaccumulation. Il n’est pas toxique pour la fertilité, ni pour l’hormonogénèse ou les organes hormono-dépendants, et n’a pas non plus d’effets inacceptables sur les abeilles. Par conséquent, les risques restent à l’extérieur des normes acceptables.
Banni un peu partout
Comment en sont-ils arrivés à une conclusion aussi extravagante alors que les preuves de la toxicité des herbicides à base de glyphosate s’accumulent dans le monde entier, au point que de nombreux pays ont déjà interdit son utilisation ? Le Danemark a été le premier à es bannir, en 2003, le Parlement hollandais a interdit en avril 2014 son usage non commercial, et la France devrait suivre le mouvement. Le Brésil, l’un des plus importants producteurs d’organismes génétiquement modifiés (OGM) tolérants au glyphosate, vient d’entamer un procès pour l’interdire. Le Salvador l’a banni totalement en février 2013, reliant les herbicides à base de glyphosate à une épidémie de maladies rénales chroniques. Les scientifiques du Sri Lanka ont mis en évidence une accumulation de glyphosate dans l’organisme, en particulier en présence d’eau dure.

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Procédure opaque
L’ESFA avait mis RAR sur son site pour en permettre la consultation publique. Celle-ci s’est terminée le 11 mai. Elle utilisait un modèle électronique rigide avec des catégories prédéfinies de réponses, laissant très peu de place pour s’exprimer. Elle n’admettait aucun courrier, ni par voie électronique ni par la poste. Les commentateurs devaient accepter que leurs commentaires soient effacés s’ils étaient jugés inappropriés. 
De ce fait, tous les commentaires relatifs au Roundup ont été ignorés, alors que le Roundup est l’herbicide à base de glyphosate le plus utilisé en Europe. Toute la procédure d’évaluation des risques a été complètement opaque. L’institut fédéral d’évaluation des risques allemand (BfR, Bundesinstitut für Risikobewertung) est responsable du RAR. Or, on ne trouve nulle part des informations sur les auteurs, alors que le rapport comprend quinze documents, totalisant 3 744 pages. Le Bfr, contacté quatre fois entre avril et juin, n’a toujours pas indiqué qui l’avait rédigé et lequel de ses comités en était responsable.
Conflits d’intérêts
Parmi les membres du Committee or Pesticides and Their Résidues (CPTR) du BfR (qui logiquement aurait dû être chargé de préparer le RAR), trois sur douze travaillent, en 2014, pour BASF ou pour Bayer CropScience, et quatre sur seize étaient liées à ces compagnies en 2011-2013. Ce grave conflit d’intérêts dans une agence de régulation n’est pas propre au BfR : il est endémique dans toutes les agences européennes !
Le rapport du Corporate Europe Observatory Unhappy Meal (octobre 2013), avait révélé que 59% des membres du panel scientifique de l’EFSA avaient encore des liens directs ou indirects avec des entreprises dont les activités relevaient des attributions de l’agence. Mais le conflit d’intérêts est encore plus flagrant qu’on ne pouvait l’imaginer : c’est Monsanto, avec un consortium de compagnies chimiques européennes, qui a réalisé l’évaluation des risques pour le renouvellement de l’autorisation du glyphosate !
Source : Institue of Science in Society (ISIS) Report, 9 juillet 2014

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Les producteurs de pesticides utilisent aussi l’appellation « produits phytopharmaceutiques ou phytosanitaires », appellation à consonance plus médicale et plus positive.

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