Europe – La faiblesse coupable de l’Union face à la Hongrie : discrédit dont l’Union européenne est aujourd’hui l’objet

LE MONDE | 23.10.2014 EDITO
La Hongrie doit-elle rester dans l’Union européenne ?

alemonde hongriehungary-justice-minister-tibor-navracsics-5887-diaporama

La question est la suivante : peut-on faire à Bruxelles le contraire de ce que l’on pratique à Budapest ?
Elle s’adresse au Hongrois Tibor Navracsics, nouveau commissaire européen à la culture, adoubé mercredi 22 octobre par le Parlement de l’Union européenne (UE). Elle en amène une autre : sauf à renier les principes qui la fondent, l’Union peut-elle continuer à encaisser sans broncher les dérives antidémocratiques de plus en plus prononcées d’un de ses membres, la Hongrie ?

alemonde_le-premier-ministre-hongrois-viktor-orban-a_e9ad6ffed7b78f1a88cf2c0ccb6aff87

Proche de Viktor Orban, le premier ministre et chef du parti conservateur-nationaliste Fidesz, au pouvoir depuis 2010, M. Navracsics a occupé les fonctions de ministre de la justice à Budapest. A ce titre, il a bridé la liberté des juges, lancé des enquêtes contre les ONG, notamment celles bénéficiant de financements étrangers, et participé à la mise au pas de la Cour constitutionnelle. Il a largement contribué à un travail législatif orienté dans un sens : restriction des libertés publiques – et culturelles.
Car, dans ce dernier domaine aussi, le gouvernement Orban – conforté par une éclatante victoire aux élections municipales du début octobre – s’est attaché à placer sous tutelle politique nombre d’institutions culturelles hongroises. La presse a été la première ciblée, souvent par des moyens détournés. Une loi datant de quelques mois et frappant de 40 % les revenus de la publicité vise le groupe RTL, propriétaire de l’une des rares chaînes de télévision en Hongrie à oser encore critiquer la ligne du Fidesz.
MÉPRIS PROFOND POUR LES VALEURS DE L’UE
Mercredi, M. Navracsics s’est voulu rassurant, garantissant aux députés européens sa grande disposition à la schizophrénie : il saura faire à Bruxelles le contraire de ce que le Fidesz fait à Budapest…
Son cas individuel illustre le problème que la Hongrie pose à l’UE. Le New York Times rappelait cet été un fameux discours prononcé par M. Orban le 26 juillet. Le premier ministre y disait toute son admiration pour trois régimes autoritaires et nationalistes : ceux de la Chine, de la Russie et de la Turquie. Il les citait comme autant d’exemples à suivre. En filigrane, M. Orban, grand admirateur de Vladimir Poutine, laissait transparaître son mépris profond pour les valeurs constitutives de l’UE : attachement à l’Etat de droit, à une stricte séparation des pouvoirs et au respect scrupuleux des libertés publiques.
Au lieu de quoi, Viktor Orban mène une politique d’exaltation nationale qui l’amène à fouler aux pieds l’esprit, sinon la lettre, des règles de l’UE sur la protection des investissements européens en Hongrie et celle de l’activité des ONG étrangères. L’ensemble s’accompagnant parfois de privilèges accordés, comme par hasard, à des sociétés ou des associations à la tête desquelles se retrouvent des proches de M. Orban.
Les Etats-Unis en ont tiré les conséquences. La semaine dernière, ils ont interdit d’entrée sur leur territoire dix personnalités hongroises, dont certaines appartenant à l’entourage du premier ministre – « des personnalités de la vie publique et des membres du gouvernement », a dit l’ambassade américaine. Motif : Washington les soupçonne de corruption.
Il est tout de même paradoxal de voir que les Etats-Unis sont, en l’espèce, plus sourcilleux que l’Europe sur la défense de valeurs dont elle se targue d’être la gardienne. Cette infidélité à son credo n’est pas étrangère au discrédit dont l’Union européenne est aujourd’hui l’objet.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans Débats Idées Points de vue, Europe, est tagué , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.