LE MONDE | 06.11.2014
Editorial du Monde. Pourquoi au juste les Catalans vont-ils voter, dimanche 9 novembre ? La tentative de référendum promise par le chef de l’exécutif catalan, Artur Mas, a été bloquée par le Tribunal constitutionnel espagnol le 29 septembre.
Le président catalan, qui avait promis de n’organiser de consultation que conforme à la loi, en a finalement décidé autrement. Sous la pression de la gauche indépendantiste, M. Mas a maintenu un projet de scrutin… que le Tribunal constitutionnel a à nouveau suspendu !
Alors, dimanche, ce ne sera pas un « référendum ». Les Catalans participeront à un « processus participatif », en répondant aux mêmes questions, prévues dans le projet de référendum initial : « Voulez-vous que la Catalogne devienne un Etat ? » En cas de oui : « Voulez-vous que cet Etat soit indépendant ? » C’est une idée bien discutable.
Le scrutin aura la couleur et la forme d’un référendum, mais ce sera surtout un scrutin contesté. Au risque de passer pour de la désobéissance civile, cet ersatz de référendum sera organisé dans des écoles, sous la tutelle de la police catalane, et financé par l’exécutif catalan, sans véritable contrôle indépendant sur le déroulement des opérations de vote. L’enjeu pour Artur Mas est de mobiliser le plus grand nombre possible d’électeurs. On peut prévoir une victoire écrasante du oui. Il y a peu de chances que les partisans du non, les hésitants, les nombreux Andalous qui vivent et travaillent à Barcelone sortent dimanche pour un scrutin sans valeur juridique, qui risque de ternir l’idée même du choix de l’indépendance aux yeux du reste des Espagnols et de l’Europe.
Mais la date du 9 novembre, martelée depuis des mois, était devenue un symbole incontournable. Il était devenu impensable qu’il ne se passe rien ce jour-là. M. Mas est pris dans l’engrenage qu’il a patiemment mis en place. Depuis son accession au pouvoir, en 2010, il n’a cessé d’entretenir la province dans l’idée qu’elle deviendrait un Etat. Mais il est aujourd’hui dépassé dans les sondages par la Gauche républicaine catalane, partisane de la désobéissance civile et d’une déclaration unilatérale d’indépendance.
Entre la pression de sa gauche et l’intransigeance de Madrid, resté figé dans une position de refus borné, limitant toute possibilité de dialogue, M. Mas s’est retrouvé piégé. Alors que Londres avait joué le jeu, risqué, du référendum écossais, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a opposé une fin de non-recevoir systématique aux fièvres catalanes.
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Mas et M. Rajoy ont été d’autant plus incités à se radicaliser que leur situation politique est fragile. Le parti de M. Mas, Convergence et Union, est affecté par les soupçons d’évasion fiscale qui pèsent sur le chef historique du nationalisme catalan, Jordi Pujol. Le Parti populaire de Mariano Rajoy est lui aussi éclaboussé par des scandales.