Vatican – Une offensive, après un certain nombre d’escarmouches , n’est ni plus ni moins qu’une déclaration de guerre à la curie

 Edito du Monde 28 /12/20142014
François, pape putschiste
Après les sept péchés capitaux, voici les quinze maladies curiales. A écouter la charge dévastatrice livrée par le pape François contre la curie romaine lundi 22  décembre, on est en droit de se demander si les deuxièmes ne sont pas plus graves que les premiers. Et de s’extasier sur l’extraordinaire témérité de ce premier pape venu du Sud.
Les quinze maux de la curie, décrits avec un luxe féroce de détails en guise de vœux de Noël une demi-heure durant devant les accusés eux-mêmes, cardinaux et évêques cloués sur leurs sièges dans la salle Clémentine du Vatican, vont de  » l’Alzheimer spirituel «  au  » terrorisme du bavardage «  en passant par la  » maladie du blocage mental « ,  » l’arrogance « ,  » la médiocrité  » et l’hypocrisie d’une  » vie cachée et souvent dissolue « . De mémoire de prélat, on a peine à se souvenir d’un discours d’une telle violence prononcé dans cette auguste enceinte.
Cette offensive, après un certain nombre d’escarmouches, n’est ni plus ni moins qu’une déclaration de guerre à la curie. Que veut donc François ? Jorge Bergoglio n’oublie pas la raison pour laquelle il a été choisi lui, jésuite, cardinal argentin, il y a vingt mois, par ses pairs cardinaux pour succéder à Benoît XVI, démissionnaire :
nettoyer les écuries d’Augias du Vatican,
voilà la mission qui a été confiée au nouveau souverain pontife. Cette mission, François s’en sent investi et, de toute évidence, il entend la mener à bien, quoi qu’il en coûte – et quoi qu’il lui en coûte.
Audit dans les finances
Aux grands maux les grands moyens, donc. Le pape François a déjà lancé plusieurs chantiers, dont certains sont bien avancés. Il a fait le ménage dans les finances du Vatican, il a commandé un audit externe de la gestion de la cité-Etat et a redessiné le pouvoir économique. Mais le gros morceau est la réforme de la curie, cette  » cour papale «  dénoncée dans plusieurs entretiens à la presse par l’un des hommes de confiance du souverain pontife, l’archevêque de Tegucigalpa, Oscar Maradiaga.
Mais le véritable chantier du pape François va bien au-delà de la réorganisation de la curie. Ce que veut ce pape est proprement révolutionnaire : il entend redistribuer le pouvoir dans l’Eglise en en élargissant la base. Affaiblir la domination du centre au profit de la périphérie. Il veut ouvrir les structures du pouvoir au-delà des clercs, aux laïques, hommes et femmes, et aux fidèles de l’Eglise dans toute leur diversité. Et cette diversité, dans l’Eglise catholique, s’entend aussi dans le sens géographique.
C’est donc aussi comme une attaque contre l’emprise de l’Eglise d’Italie sur le Vatican qu’il faut comprendre cette charge de François devant la curie. Après le Polonais Jean Paul II et l’Allemand Benoît XVI, Jorge Bergoglio est le troisième pape non italien depuis plus de quatre siècles, mais il est surtout le premier non-Européen. Il est, en ce sens, très représentatif de la masse des fidèles catholiques, qui sont aujourd’hui, majoritairement, non Européens. Et il souhaite que la représentativité de cette masse de fidèles ne se limite pas à la personne du souverain pontife.
François peut-il gagner un pari aussi audacieux ? Quelles sont ses chances de réussir cette offensive en règle contre l’appareil de l’Eglise ? Même les observateurs les plus fins du Vatican évitent de se hasarder à des pronostics. Mais il est clair, désormais, que l’année qui s’ouvre sera cruciale pour l’Eglise – et pour son chef.

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A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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