« L’après Charlie » : La lettre douloureuse d’un patronyme du tueur de la supérette porte de Vincennes

Coulibaly contre Coulibaly

Stagiaire dans l’humanitaire, un jeune homme de 25 ans porte, comme beaucoup de français d’origine malienne, le même nom que le tueur. Il répond à celui-ci qui a souillé son patronyme.
Je ne veux pas m’exprimer en tant que musulman, je ne veux pas m’exprimer en tant que Français, ni en tant que fils d’immigrés maliens.
Je suis un citoyen, mais j’ai un nom, une histoire, un futur. Mon nom est Coulibaly. Le même que le tien, ce nom que tu as sali, humilié, souillé, je continuerai à le porter et non moins fièrement.
Sais-tu ce que représente ce nom ? Celui de milliers de vies, en France, en Afrique surtout, et sans doute ailleurs : en Amérique, au Moyen-Orient, en Chine, et peut-être même en Australie. Sais-tu que des milliers d’entre elles sont mortes par le passé face aux djihadistes lors de l’expansion de l’islam en Afrique de l’Ouest ? Sais-tu que des milliers d’entre elles sont mortes au Mali ces deux dernières années face à la barbarie d’AQMI et des sauvageons bigots du désert ? Non, si tu le savais, tu saurais que les djihadistes sont nos meilleurs ennemis.
Je te raconte : il existait un sale type, appelé comme toi et moi, un chauffard convaincu tirant sur des policiers, qui a décidé de faire ses courses, un vendredi (le jour d’Allah, non ?) dans une supérette casher.
Ridicule
Amédy, on dit que le ridicule ne tue pas : tu m’as prouvé le contraire. Ridicule est ta cause qui prétend t’apporter le bonheur dans l’au-delà en causant la désolation ici, ridicule est ta cause qui prétend t’apporter la gloire en semant la honte. Ton ridicule a fait des morts dont je partage et je continuerai à partager le deuil, bien après la mort, je l’espère, de ta cause et de ta mémoire. Et pas la peine que ce soit visible : à chaque fois que l’on prononcera mon nom, je me souviendrai des victimes et de leurs familles, oui même de ces victimes juives que tu haïssais tant.
Amédy, j’aime à penser que tout n’est pas de ta faute. J’ai sans doute eu plus de chance que toi. Nous ne sommes pas nés du même côté du périphérique. Tu as connu pendant la majeure partie de ta vie une France violente, répressive, grise et impitoyable quand j’ai connu une France tolérante, généreuse et savante.
Mais Amédy, je ne peux te pardonner au nom de ce principe même que tu as voulu attaquer, toi et les frères Kouachi : la liberté. Cette liberté d’expression que toi et certains qui prétendent s’appeler Charlie Coulibaly ont pourtant utilisée lorsque c’était pour prêcher la haine, la division.
Amedy, tout est lié : cette liberté d’expression que vous avez voulu tuer, me permet de m’exprimer pour redonner de la fierté aux personnes qui portent ton nom. De dire que toute la peur et la haine que vous avez semées, ce n’était pas en notre nom.
Omar Coulibaly (Jeune humanitaire, ancien étudiant de géographie à la Sorbonne)
Le Monde.fr | 16.01.2015

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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