Après « Charlie », les médias doivent-ils encourager notre pouvoir d’agir ? : un webdocumentaire

« Alors que les événements de ces deux dernières semaines réveillent la consommation d’informations et la vente de titres de presse, un webdocumentaire réalisé par deux jeunes journalistes et mis en ligne il y a quelques semaines s’interroge sur les liens entretenus par la presse avec l’optimisme et les solutions aux problèmes du monde. De quoi mettre en lumière un certain regard sur notre rapport aux médias. (…) Lu sur Même pas mal ! Le Monde 23/01/2015
21 janvier 2015
Après Charlie, les médias doivent-ils encourager notre pouvoir d’agir ?
Réflexion sur les médias et l’optimisme : Webdoc La Part du Colibri
Communion
CharlieHebdo-300x229« En circulant ces derniers jours dans la rue et spécialement devant les kiosques, je me rappelais cette phrase du philosophe allemand Hegel: « la lecture des journaux est la prière du matin de l’homme moderne«  » souligne Laurent Greilsamer dans Le 1 de cette semaine en commentant la « communion républicaine » observée ces derniers jours en France, avec notamment ses files d’attentes devant les kiosques.
Mais pourquoi attendre les périodes de révolution ou de libération pour se précipiter ainsi sur la production de ceux qui racontent au quotidien la marche du monde ? Est-ce liée à la défiance envers les journalistes, qui n’a jamais été aussi importante que ces dernières années (seul un français sur 4 déclarait faire confiance aux médias en janvier 2014) ? Est-ce  le métier même – l’un des pires à pratiquer nous révélait-on à la même époque, qui explique le pessimisme dans le traitement de l’info ? Est-ce les audiences qui, par leurs choix, favorisent la production d’une information anxiogène ?
Telles sont quelques unes des questions traitées en filigrane par William Buzy et Baptiste Gapenne, 25 et 26 ans, qui ont décidé de réaliser un webdocumentaire pour apporter une réponse à ceux, trop nombreux, qui leur confient être « asphyxiés » par les mauvaises nouvelles (bande annonce ci-dessous)
La part du colibri – TEASER from CajjAsso on Vimeo.
Et maintenant on fait quoi ?
Premier constat, dans leur quête de sens: l’amalgame est aisé entre « nouvelles positives » et « nouvelles légères ». Pourtant, « il ne s’agit pas de favoriser le traitement de la plus grande pizza du monde au traitement de La guerre en Syrie » souligne Baptiste Gapenne, journaliste pigiste à BFM TV, « on veut juste montrer qu’on peut parler de sujets graves avec un angle positif« .
Autre fait marquant, lors de la réalisation de leur webdoc, certains journalistes se sont insurgés : « on a été surpris de voir l’accueil des journalistes, beaucoup nous ont confié n’avoir aucune raison d’être optimistes et ne pas avoir de temps à perdre avec l’optimisme, au risque de donner l’impression de se ficher des gens »… Une réaction qui les pousse, rapidement, à parler de « journalisme de solutions » et à reprendre la formule de Christian de Boisredon, fondateur de Sparknews: « Il ne s’agit pas de parler des trains qui arrivent à l’heure mais des solutions qui font qu’ils n’arrivent pas en retard« 
D’autant que cette tendance à la recherche de solutions se confirme: comme le rappelle Mathias Virilli, dans son analyse faite pour la Direction de la Prospective de France Télévisions, « 83% des internautes aimeraient voir plus d’actualités positives dans les médias.  Avec l’information positive, il s’agit de présenter l’information comme une ressource de solutions, d’idées nouvelles voire de motifs d’engagement. D’où le nom préférentiel de journalisme de solution, ou d’impact-journalism »
Comme le souligne ici la blogueuse Elise Richard, « nos attentes vis à vis des media et du journalisme en général ne sont plus d’exposer des faits dont nous sommes abreuvés, noyés, quotidiennement, mais d’aller plus loin, de chercher des solutionsLes démarches de France Info, Libération ou Ouest France (qui font actuellement appel, après les attentats, à leur audience avec le mot clef #OnFaitQuoi) sont en cela intéressantes car elles appellent leur audience dans la discussion ». De quoi largement entretenir notre pouvoir d’agir.

onfaitquoi-300x122

Analyse TOPSY sur l’utilisation des mentions suivantes entre le 18 décembre 2014 et 17 janvier 2015
#EtMaintenantOnFaitQuoi (en bleu),
#EtMaintenant (en orange),
#OnFaitQuoi (en vert)
Il s’agit aussi sans doute d’une posture: comme le souligne Philippe Gabilliet dans le documentaire de Baptiste Gapenne et William Buzy, « l’optimisme, ce n’est pas positiver mais optimiser, mais face à une réalité ambigüe, il s’agit de prendre l’habitude de voir ce qui va bien, identifier les éléments sur lesquels capitaliser« . D’ailleurs, « ce n’est pas tant la presse qui est pessimiste que le marché des médias qui carbure au dramatique » souligne-t-il, le dramatique étant souvent plus facile à scénariser.
En attendant, William et Baptiste adoptent dans leur traitement de l’information une posture qui systématiquement valorise cette capacité d’action. Désireux de différencier l’actualité (le fait d’être au courant de quelque chose) et l’information (le fait d’avoir approfondi un fait d’actualité), ils rêvent de voir apparaître plus de médias engagés en ce sens…
Et vous, pensez-vous que le sursaut citoyen du 11 janvier va inciter la presse à changer son traitement de l’info ?
Anne-Sophie Novel / @SoAnn sur twitter

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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