Editorial du « Monde » Un tournant vient d’être franchi en Ukraine. Loin de s’en tenir aux positions déjà acquises dans leurs bastions du Donbass, Donetsk et Louhansk, les séparatistes prorusses ont étendu leur offensive au port de Marioupol, au prix de bombardements meurtriers. Cette nouvelle cible accrédite l’hypothèse de la constitution d’un corridor reliant la Russie à la Crimée, annexée il y a bientôt un an par Moscou.
Un autre tournant a été franchi dans le discours des Occidentaux. Les choses sont désormais dites ouvertement, au moins par les Américains : derrière les séparatistes, c’est bien le Kremlin qui est à la manœuvre. Pour le président Barack Obama, cette nouvelle offensive a été menée « avec un appui russe, de l’équipement russe, du financement russe, de l’entraînement russe et des troupes russes ». On ne saurait être plus clair.
Vidéo Le Monde Pourquoi les combats s’intensifient
Côté européen, on commence aussi à se rendre à l’évidence. Le risque d’une véritable guerre dans l’est de l’Europe est désormais réel, observe-t-on au sein de l’exécutif français. Le président Poutine, tout en maintenant le contact avec la chancelière Angela Merkel et le président François Hollande, se montre de plus en plus dur et n’est visiblement pas intéressé par un dialogue sérieux avec l’Ukraine.
Un conseil extraordinaire des ministres des affaires étrangères de l’Union européenne doit se réunir jeudi 5 février à Bruxelles : « Il est temps de réévaluer notre politique sur la base des faits, et non plus sur celle de nos illusions », a averti le président du conseil de l’UE, le Polonais Donald Tusk. L’approche lénifiante du document de travail sur les relations Russie-UE préparé début janvier pour les Etats membres par la haute représentante Federica Mogherini paraît aujourd’hui largement dépassée.
Le registre des Européens n’est pas infini. Il faut maintenir les sanctions contre Moscou, éventuellement les renforcer. Alliées à la baisse du prix du pétrole, elles ont un impact sur l’économie russe. Elles ont aussi un effet politique pervers : celui de provoquer un durcissement de M. Poutine, très soutenu par la population russe dans l’adversité, plutôt qu’un assouplissement. Mais elles suscitent une nervosité évidente au sein de l’équipe dirigeante russe.
Pas de solution militaire
Entraîner les amis de l’Ukraine dans la guerre n’est pas une option envisagée par les Occidentaux, à juste titre. Le président Petro Porochenko lui-même reconnaît qu’il n’y a pas de solution purement militaire à ce conflit. Le meilleur moyen de résister à l’offensive ukrainienne de M. Poutine est de continuer à lui opposer un front diplomatique lucide, uni et ferme – un message que le nouveau gouvernement grec va devoir intégrer –, et d’accentuer son isolement.
Les Occidentaux ne doivent pas se laisser impressionner par la menace russe de se tourner vers la Chine : les dirigeants chinois n’ont aucune envie de prendre parti dans ce conflit. A Davos, la semaine dernière, le premier ministre chinois, Li Keqiang, a adressé une mise en garde à Moscou en réaffirmant la volonté de Pékin de « maintenir l’ordre international issu de la seconde guerre mondiale » et en condamnant ceux qui entretiennent « une mentalité de guerre froide et de jeux à somme nulle ».
Enfin, il faut continuer à aider l’Ukraine à se redresser politiquement et économiquement, afin d’éviter d’avoir un Etat failli au milieu de l’Europe. Cela coûtera cher. Ne pas le faire coûterait encore plus cher.
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