Le plan anti-pesticides du ministre de l’agriculture déclenche la colère de l’écologiste Noël Mamère : « le gouvernement ne fait rien pour lutter contre l’agriculture intensive ! »

France Info – 30/01/02015 – 14/17h / Mathilde Munoz / Anne-Laure Barral
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La pollution due à l’emploi des pesticides et autres engrais reste la première cause de la mauvaise qualité des eaux. | AFP/PHILIPPE HUGUEN
Alors que l’utilisation de ces produits ne cesse d’augmenter chaque année en France et que nous sommes toujours le pays le plus gros consommateur de pesticides en Europe et le troisième au monde, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll a présenté un plan pour réduire l’utilisation de ces produits. Le Grenelle de l’environnement avait tenté de le faire, mais ça n’a pas marché. Alors, qu’y-a-t-il dans ce nouveau plan ?
Le Plan maintient peut-être l’objectif de réduire de 50% des pesticides mais il retarde l’échéance à 2025. Ensuite, il veut promouvoir ce qui se fait déjà depuis le Grenelle de l’environnement. Des fermes essayent de réduire leur consommation de pesticides ; il y en a 2 000 aujourd’hui, Stéphane Le Foll veut étendre ce chiffre à 3 000. Ils partageront ensuite leur expérience pour faire tache d’huile. Ces fermes ont baissé leur phytosanitaires de 13% en moyenne, sans que les agriculteurs perdent de revenus.
Le ministre veut aussi favoriser les techniques de pointe, de bio-contrôle, les machines modernes comme les drones, mais leur coût est encore excessif pour bon nombre d’agriculteurs. Le plan prévoit aussi un système de certificat d’économies de pesticides, comme cela se fait pour les économies d’énergie. L’idée est de demander aux firmes de phytosanitaires de vendre aux agriculteurs plutôt du conseil que des produits. Ce système envisage des pénalités financières si les objectifs ne sont pas remplis au bout de cinq ans,
Même chose pour les néonécotinoïdes, ces substances qui désorientent les abeilles. Le ministre veut laisser à l’industrie le temps de trouver des substituts avant d’envisager leur interdiction pure et simple. Les apiculteurs plaident pourtant pour cela depuis de nombreuses années.
vachemaigre_siteEt puis, les associations environnementales attendaient plus de moyens, pour inciter les français à consommer avec moins de pesticides, notamment dans la restauration collective. Elles espèrent aussi plus d’incitations fiscales. Mais vu le budget de l’État, le gouvernement leur a rappelé que, même pour l’agriculture aujourd’hui, c’est la période des vaches maigres…
Pour Noël Mamère, député Europe Écologie de Gironde et maire de Bègles, ce n’est pas le plan présenté aujourd’hui par le ministre de l’agriculture afin de réduire la consommation de pesticides qui changera grand chose. Il a le sentiment d’un recul entre ce qui a été annoncé et la réalité du projet :
« Ce recul est une réalité puisque le Grenelle de l’environnement avait prévu la division par deux de l’utilisation des pesticides d’ici 2018. On reporte à 2022, on est très loin du compte. La réalité c’est qu’aujourd’hui, quand le gouvernement parle d’agroécologie, on se demande à quoi il fait référence.
Entretien-Eau-Dessin2On aurait pu aller plus vite et la responsabilité incombe malheureusement au gouvernement qui est en place, mais c’est l’accumulation de politiques publiques en direction de l’agriculture qui ne date pas d’aujourd’hui. Depuis au moins quarante ans, on a facilité l’utilisation de pesticides et vous constatez bien qu’à chaque fois qu’il y a des normes européennes nouvelles qui s’imposent, il y a une levée de boucliers de beaucoup d’agriculteurs – je ne met pas tous les agriculteurs dans le même sac. Je pense en particulier au dernier recul du gouvernement sur la question des nitrates qui polluent beaucoup les nappes phréatiques et qui font qu’aujourd’hui, dans certaines régions de France, on est obligé d’acheter de l’eau minéral pour pouvoir boire. Et que nous savons que 82% de la pollution des mers vient de cette utilisation des pesticides. Et quand on ajoute à cela les questions de santé publique qui ne sont jamais évoquées ou très peu, les études épidémiologiques qui ont été faites montrent très bien que l’utilisation massive de pesticides entraînes des problèmes sanitaires, des problèmes de santé publique, je pense en particulier à ma région viticole où cela a été prouvé.
Anne-Laure Barral : Croyez-vous cependant à la volonté de Stéphane Le Foll de faire tenir cet objectif ?
Bien sûr, je crois à la volonté du ministre, mais c’est une volonté qui est paradoxale. D’un côté, il a une certaine sincérité, mais de l’autre il s’est acharné à défendre, par exemple la ferme des 1 000 vaches qui est un élevage industriel que nous condamnons. Il s’est aussi attaché à autoriser l’extension des porcheries qui sont une source de pollution terrible en matière de nitrates et d’utilisation d’un certain nombre d’intrants. Donc on est dans une logique où c’est le triomphe d’une agriculture industrielle, de l’agriculture intensive et on a pas été capables, durant ces dernières décennies de rééquilibrer nos méthodes.
Et pendant ce temps, on montre du doigt l’agriculture bio, ce que nous appelons nous, l’agriculture paysanne qui n’est absolument pas aidée de la même manière que l’est l’agriculture intensive.
C’est un gouvernement qui cède, petit à petit, jour après jour, de manière insensible mais irréversible aux grands lobbys et en particulier à celui des OGM qui est très puissant. Pas simplement en France, mais dans le monde entier. Alors évidemment, nous sommes dans une situation ou toutes les portes sont ouvertes à n’importe quoi. Je me demande comment quelques uns de mes collègues députés ou sénateurs écologistes ont encore envie d’entrer et de participer à un futur gouvernement . »

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