Par AFP, publié le 30/01/2015
Nantes – Luthier, accordeur de pianos ou de clavecins: à la Cité des congrès de Nantes, en coulisses, des dizaines de petites mains oeuvrent « dans l’urgence » auprès des musiciens pour que leur « Folle journée » se déroule sans fausse note
Dans le grand auditorium de 1.900 places, un concert vient de prendre fin, avec un petit quart d’heure de retard sur le programme. Denijs de Winter, l’accordeur de pianos de la « Folle journée« , présent depuis la première édition du festival de musique classique en 1995, sort des coulisses et fonce sur la scène, sa petite trousse remplie d’outils de réglages à la main.
En deux petites minutes, il sonde le piano, malgré le bruit fait par l’installation des chaises, pupitres et instruments pour le concert suivant. « J’ai appris dans mon apprentissage à éliminer tout ce que j’entends autour. C’est un exercice spécial, (…) c’est de la musculation« , explique l’accordeur belge.
Pour être à son plus « haut niveau« , Denijs de Winter, qui « connaît un peu tous les artistes » et leurs besoins, « commence tôt le matin, pour bien préparer les pianos« , ayant « très peu de temps entre les concerts« , et son travail se fait le plus souvent une fois le public déjà installé.
Parmi les facteurs à prendre en compte quotidiennement, l’acoustique qui diffère selon la taille de la salle, mais aussi la météo: « il pleut aujourd’hui, donc les gens amènent pas mal d’humidité dans la salle, ce qui fait que le piano réagit sur l’hydrométrie, et il faut faire en sorte que le piano reste bien stable et tienne bien l’accord« , souligne l’accordeur en faisant les dernières retouches.
– ‘Des facilitateurs’ –
Plus que la pluie, c’est le gel qui donne du travail au luthier du festival, Vincent Schryve, installé dans la Cité des congrès pour la « Folle journée » depuis 17 ans. « Quand il fait très froid, ça influe sur le réglage des sonorités des instruments, qui peuvent devenir durs à jouer (…) C’est là qu’il y a le plus de décollage, surtout pour les instruments plus anciens. Mais là cette année c’est cool« , lâche-t-il.
Dans son minuscule atelier, caché derrière le comptoir d’accueil, dans le couloir menant au grand auditorium, il « bricole, ajuste pour que la série de concerts du musicien se fasse sans problème (…). On est un peu des facilitateurs« , résume-t-il, penché sur un plateau en train de raboter un violon.
Sur une « Folle journée« , il peut ne servir que « dix personnes sur 1.300 musiciens« , mais les artistes, qui jouent plusieurs fois par jour, passent parfois récupérer leur instrument juste avant le début du concert ou de la répétition ou viennent acheter des cordes, comme ce violoniste qui a remplacé une artiste au pied levé et n’a pas eu le temps de s’en procurer.
« Dans l’urgence, il faut toujours être super concentré« , et il apprécie d’être parfois en danger, « c’est là où les neurones fonctionnent« , dit en souriant Vincent Schryve.
Côté matériel, il n’apporte pendant les cinq jours du festival que le strict nécessaire: « des rabots, des limes, des canifs, des petites scies, des petites presses, des produits de nettoyage, de la colle, et même une balance de précision. (…) Il y a des gros travaux que je ne pourrais pas faire matériellement et par manque de timing« , affirme-t-il.
« Mon plus gros pépin, c’est quand j’ai dû réparer un manche de guitare pour un musicien qui jouait lors du concert du dimanche diffusé sur Arte. Le musicien était vraiment embêté et ça a été un travail de plusieurs heures« , se souvient le luthier, qui, entre deux réparations, peut même prendre le temps d’assister à un concert car « l’éducation de l’oreille, c’est essentiel« .