Industrie du médicament + élus corrompus = trou de la Sécu ??

l’âge de faire – N°94 – février 2015 – Fabien Ginisty
En consacrant chaque année 2% de la richesse créée à l’achat de pilules, les Français sont les champions d’Europe de la consommation de médicaments. Les médecins français, va-t-on savoir pourquoi, prescrivent moins de médicaments génériques que leurs collègues allemands, néerlandais ou anglais. Seraient-ils plus méfiants ? (1) Ce qui plomberait encore plus les comptes de la Sécu ? A qui profite cette manne ?
« Le système entier est structurellement « pharma-amical ». Il est temps que ceux chargés de préserver l’intérêt général et la santé publique exercent leurs responsabilités. » L’élue Michèle Rivasi a initié en janvier l’Opération Mains propres sur la santé (2), en partenariat avec des associations. Ce collectif, constitué pour l’occasion, entend montrer que les laboratoires pharmaceutiques n’ont rien de boucs émissaires en ce qui concerne le trou de la Sécu. Ils sont bel et bien les « premiers responsables« . Sans oublier « les autorités de régulation qui les adoubent, les médecins qui leur font une confiance aveugle, et surtout les politiques qui les choient, faisant de la surconsommation et de la surfacturation de médicaments un soutien implicite à une filière industrielle » Au final, c’est tout un « système » qu’entend dénoncer l’Opération Mains propres. « Conflits d’intérêts« , « opacité« … « C’est un réseau extrêmement touffu et organisé qu’il faut démanteler, avec des intérêts énormes et qui concerne toute la vie politique et son financement. » Alors, aux grands maux les grands remèdes : le collectif appelle au lancement d’une opération « coup de poing » telle que l’opération Mani Pulite (mains propres) menée en Italie dans les années 80, qui a permis d’assainir le monde politique transalpin grâce à de nombreuses enquêtes et condamnations pour corruption. 

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Michèle Rivasi, née  à Montélimar (Drôme), est une femme politique française, députée européenne, membre d’Europe Écologie Les Verts.
Soutien implicite à la filière du médicament
Le collectif avance des preuves, des chiffres et des noms : de Claude Evin en 1988 à Nora Berra en 2012, la liste des liens entre industrie du médicament et monde politique est établie. « Depuis Claude Evin, tous les ministres de la Santé ont eu des liens, soit antérieurs, soit postérieurs à leur exercice de la fonction avec l’industrie pharmaceutique. » Aucun n’a plongé pour corruption mais tous ont été en situation de conflits d’intérêts. La dernière en date, Nora Berra, a piloté pendant dix ans de grands projets internationaux pour diverses firmes pharmaceutiques, avant de prendre ses fonctions de secrétaire d’État chargée de la Santé. Comment fixer sereinement le prix d’un médicament (remboursé ou pas), quand on a été, ou qu’on sera embauché par une firme qui produit ce médicament ?
Pour le collectif, ce « système » trouverait son origine au milieu des années 80, « quand il est devenu difficile de trouver des nouvelles molécules » pour les entreprises. Alors, pourquoi ne pas « aider » les firmes à financer la recherche (ou à couvrir des scandales comme le Médiator) en fixant des prix de remboursement sensiblement supérieurs au « juste » prix ? Michèle Rivasi et ses compères ont comparé les différences de prix entre la France et l’Italie, pays choisi pour ses « similarités de population et d’économie » avec l’Hexagone. Résultat : beaucoup de médicaments sont plus chers en France. Avec des écarts parfois considérables : comptez 31 euros en Italie pour le Copégus (un traitement de l’hépatite C) contre… 570 euros en France, soit 18 fois plus cher ! Les génériques ? Ils sont en moyenne 30% plus chers en France… « En Italie, on constate que le coût des médicaments en ville et à l’hôpital s’élève pour 2013 à 18 milliards d’euros, contre 34 milliards pour la France, soit 70% de plus à population égale, pour les mêmes résultats sanitaires. »
Changer le discours dominant
Alors, que faire ? Le collectif ne manque pas d’idées : lutte contre les conflits d’intérêts, purge des médicaments qui ne servent à rien, refondation des procédures d’autorisation de mise sur le marché, de fixation des prix, du droit des brevets, complète transparence des coûts de recherche et d’innovation, évolution du métier de visiteur médical… Pour l’heure, c’est la Sécu qui régale. Son déficit chronique, pour la branche maladie, a atteint environ 7 milliards d’euros en 2014. Certains y voient un argument suffisant pour démanteler l’institution, soi-disant incapable de faire face au vieillissement de la population. N’est-ce pas la vocation de la Sécu que de permettre aux Anciens de couler des jours insouciants ? A moins que ce ne soit le financement d’une industrie qui n’a pour seul but que le profit ? 
Une initiative soutenue par :

(1) France : 8 nouveaux médicaments génériques retirés du marché. Pour l’Europe, plus de 700 génériques pourraient être suspendus  et
Santé / Générique ? – Ils sont commercialisés par des laboratoires privés, souvent filiales de grands groupes : Servier Sanofi ou Sandoz …
(2) Le site mains-propres-sur-la-santé.fr propose aux professionnels de santé et de l’industrie pharmaceutique de signer une pétition. Une autre pétition sera bientôt mise en place pour l’ensemble des citoyens.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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