Emissions de télé-réalité : L’eldorado

LE MONDE ECONOMIE | 11.03.2015

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En  Suède, origine de« Dropped »

La télé-réalité, nouvel eldorado d’athlètes en quête d’aventure

Les cachets, souvent supérieurs à à 100.000 euros sont une motivation certaine chez des sportifs à la reconversion fragile
La collision mortelle de deux hélicoptères, lundi 9 mars, l’a rappelé de manière dramatique : les sportifs, retraités ou pas, sont devenus des personnages incontournables des émissions de télé-réalité.
La navigatrice Florence Arthaud, vainqueur de la Route du Rhum en 1990, la nageuse Camille Muffat, championne olympique à Londres en 2012, et le boxeur Alexis Vastine, médaille de bronze aux Jeux de Pékin, quatre ans plus tôt, tous morts dans l’accident de lundi, s’étaient d’abord fait connaître par leurs exploits sportifs. L’émission « Dropped » devait les présenter sous un profil plus large d’aventuriers, auquel seule Florence Arthaud pouvait déjà prétendre.
Même si Alexis Vastine visait encore les Jeux olympiques de Rio, le projet avait pour ces trois-là le goût de l’après-carrière. « Pour les célébrités sportives, celles qui dépassent le simple cadre du sport, lorsque la première identité de sportif s’arrête, c’est la deuxième en sourdine, celle du people, qui prend le dessus », analyse Claire Carrier, médecin du sport et psychiatre. La télé-réalité devient alors un moyen de bénéficier encore de l’attention médiatique.
La télé-réalité, apparue au début des années 2000, a d’abord concerné des anonymes, avant de s’élargir aux « people », dont les sportifs. Dès 2004, l’ancien gardien de but Pascal Olmeta participe à l’émission « La ferme célébrités », qu’il remporte. Le joueur de tennis Henri Leconte et le danseur Patrick Dupond ont pris part à la deuxième saison, en 2005.
Nouveaux défis
La multiplication des émissions de télé-réalité d’aventure, dont « Koh-Lanta » est la plus connue, suscite l’intérêt d’athlètes en quête de nouveaux défis. Partir à l’autre bout du monde et réaliser des épreuves physiques semble mieux convenir à l’image qu’ils souhaitent renvoyer au grand public. « La découverte, le défi et l’adrénaline… c’est grisant », confie la judoka Frédérique Jossinet. A l’hiver 2009, la vice-championne olympique d’Athènes a participé à une saison de l’émission « Koh-Lanta », diffusée en 2010, et se souvient d’« une très belle expérience ».
« En tant que sportive, on essaie de faire des choses différentes après notre carrière, explique l’ancienne patineuse Surya Bonaly, qui a participé à « La ferme célébrités 3 », en 2010, en Afrique du Sud, mais a refusé, en novembre 2014, de prendre part à la version américaine « The Amazing Race », jugée trop dangereuse. Quand on est dans des sports aussi exigeants que la natation, le patinage artistique, on sort rarement de la piscine ou de la patinoire. On s’entraîne huit heures par jour, ce n’est pas vraiment une vie agréable… Donc quand on nous donne l’opportunité de faire quelque chose d’exceptionnel, c’est attrayant. »
Outre l’aspect du défi et de la nouveauté, les motivations financières sont bien réelles, surtout chez les sportifs à la reconversion fragile, qui n’ont pas toujours connu des carrières très lucratives. Les cachets pour ce type de programme sont assez importants, généralement supérieurs à 100 000 euros. Des sommes non négligeables quand « beaucoup de sportifs dans des disciplines olympiques ne gagnent pas les sommes astronomiques du football », rappelle Franck Hocquemiller, agent de célébrités.
« Les sportifs participent à des émissions de télé-réalité pour des raisons différentes, estime Mme Jossinet. Je sais qu’un sportif de notre équipe était là juste par envie. D’autres ont touché 140 000 ou 150 000 euros, de ce que je sais. Après, on ne va pas se voiler la face : plein de sportifs participent à ces émissions pour gagner en notoriété et préparer l’avenir. »
Les sociétés de production et les chaînes sont aussi très intéressées par ce profil de candidats, note M. Hocquemiller : « Les émissions les utilisent pour leur image positive : le dépassement de soi, la victoire, le travail… » « Derrière nos postes de télévision ou dans les stades, ces gens-là nous font rêver, explique le docteur Patrick Bauche, psychologue et auteur de Les héros sont fatigués. Sport, narcissisme et dépression (édition Payot). On se surprend un instant à les croire immortels, c’est leur côté demi-Dieux. Mais quand la mort vient les faucher en pleine santé, la réalité s’impose à nous : oui, ils sont mortels comme nous. »
Yann Bouchez Journaliste au service Sport
Florent Bouteiller Spécialiste judo
Anthony Hernandez Journaliste au Monde

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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