La loi « de gauche » de Macron sur l’actionnariat salarié

Alternatives Économiques – 1/04/2015 – Alain Godard –
Rendez-vous d’abord sur www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/DP_loi-activite_091214.pdf   pour découvrir le projet de loi et  pages 37 à 39 pour lire la partie  concernant l’actionnariat salarié. Vous y découvrirez  le texte d’introduction ci-dessous qui indique les principes recherchés par cette partie de la loi.
“L’actionnariat salarié est un mode de rémunération qui permet de récompenser le risque pris au sein de l’entreprise. Il permet de renforcer la communauté de destins au sein de l’entreprise, en associant les salariés à son capital.
Les BSPCE (bons de souscription de parts de créateurs d’entreprise), mis en place par le gouvernement Jospin, permettent aux jeunes entreprises d’attribuer à leurs salariés des options d’achat sur des titres de leur entreprise. Les AGA (attributions gratuites d’actions) permettent quant à elles d’attribuer à leurs salariés des actions de leur entreprise.
Les enjeux de la réforme sont d’inciter les entreprises à associer plus largement les salariés à leur capital, au-delà des premiers cercles de dirigeants. Elle doit également améliorer l’attractivité de la France pour les cadres les plus mobiles à l’étranger.”
Au-delà de ces beaux principes, attachez-vous à comparer les conditions actuelles d’attribution et de fiscalité des actions gratuites avec celles proposées dans la loi :
Situation actuelle : les actions gratuites doivent être conservées au moins 4 ans avant de pouvoir les vendre, ce qui assure que les salariés restent actionnaires pendant une période minimum.
La fiscalité sur l’acquisition ( c’est-à-dire la valeur des actions reçues) est aujourd’hui celle du barème progressif de l’IR (taux  marginal de 45%+ 4% de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus) à laquelle s’ajoute la CSG/CRDS (8,5%) et une contribution salariale complémentaire de 10%, soit un total de 67% pour les plus hauts revenus contre18,5% pour les plus bas.
Proposition de la loi Macron : la durée de conservation minimale avant la vente des actions est réduite à deux ans, ce qui transforme leur nature en en faisant simplement une modalité de rémunération légèrement décalée dans le temps.
La fiscalité est profondément modifiée pour passer au régime des plus-values mobilières, avec abattement de 50% au bout des 2 ans et suppression de la contribution salariale, prélèvements sociaux des revenus du patrimoine (15,5%), plus la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, soit une imposition maximum de 42%.
Exemples de l’application de la loi :
1/Carlos Ghosn, PDG de RENAULT : il vient de bénéficier de l’attribution gratuite d’actions pour une valeur de quatre millions d’euros. Avec la législation actuelle, il pourra vendre ses actions dans 4 ans et recevoir après imposition un montant net d’impôts et contributions sociales de 1 440 000 euros.
Avec la loi Macron, Mr Carlos Ghosn pourra vendre ses actions dans 2 ans seulement et recevoir 2 320 000 euros net d’impôts et de contributions sociales, soit une augmentation de 880 000 euros, soit plus de 60%.
2/ Jean Dupont ,ouvrier chez RENAULT , disposant d’un revenu annuel de 20 000 euros, non soumis à l’IR se voit remettre des actions gratuites pour une valeur de 5000 euros. Avec la législation actuelle, il vend ses actions dans 4 ans et reçoit en net 4100 euros déduction faite des prélèvements sociaux et salariaux.
Avec la loi Macron, il reçoit dans 2 ans 4225 euros, un royal cadeau de 125 euros, soit une augmentation de 3%.
La loi Macron sur ce sujet signifie donc d’abord d’inventer une forme de rémunération déguisée pour les grands patrons salariés, qui leur permet d’être imposés à un taux maximum de 42% au lieu de 67% aujourd’hui, sans chercher le moins du monde à récompenser comme elle en fixe l’objectif « le risque pris au sein de l’entreprise ».
Cette notion de risque ne concerne que ceux qui, ayant créé leur propre entreprise et l’ayant développée, ont effectivement droit à s’enrichir très largement et qui doivent donc bénéficier pour cela d’un dispositif fiscal non pénalisant lorsqu’ils cèdent tout ou partie du capital. Peuvent aussi être associés à un tel mouvement les salariés des start-up qui ont pris le risque de faire carrière dans une entreprise fragile , souvent avec des salaires réduits au début.
J’ai souvent dans des billets précédents dit l’imposture qui consistait à ne pas vouloir faire la différence entre grands patrons salariés et protégés  et patrons de PME réussissant à la force du poignet en prenant des risques personnel. Et d’une manière plus générale, entre grands groupes industriels et PME…
Je regrette que rien ne change  sur ce point, et je suis d’ailleurs surpris de constater qu’aucun commentateur  observateur ou frondeur n’ait soulevé cet aspect de la loi Macron, qui me semble bien plus contestable que les questions de libéralisation d’autobus ou de travail du dimanche qui ont fait et continuent à faire tellement de bruit.

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