Jamais un souverain pontife n’avait franchi le Rubicon de la sorte, pas même Jean Paul II en 2001.
Dimanche, dans le cadre très solennel de la basilique Saint-Pierre de Rome, le pape François a publiquement mentionné (et dénoncé) le « génocide » arménien, l’une des « trois tragédies massives » que la « famille humaine » ait eu à affronter au cours du XXe siècle.
Un message d’une force inédite qui vient soutenir l’effort engagé de longue date par les autorités d’Erevan pour faire reconnaître les massacres d’Arméniens perpétrés entre 1915 et 1922 au sein de l’Empire ottoman (jusqu’à 1,5 million de victimes, selon les historiens) comme un génocide, souligne le Guardian.
Sans surprise, la Turquie, qui récuse ce terme ainsi que le bilan humain de la tragédie – elle évoque « seulement » de 300 000 à 500 000 morts –, a fustigé la prise de position du saint-père, dénonçant des propos « inacceptables », « partiaux » et « inappropriés ». Signe de son courroux, elle a convoqué à la mi-journée l’ambassadeur du Vatican et rappelé ultérieurement son propre ambassadeur près le Saint-Siège..
L’intervention « calculée » de François, dont les liens avec la communauté arménienne sont réputés étroits, est un test pour l’avenir des relations turco-vaticanes, et ce d’autant que se profilent, le 24 avril, les célébrations du centenaire du génocide, estiment le Wall Street Journal et le FT.
Le risque, observe de son côté le Daily Telegraph, est que l’Eglise catholique s’aliène un allié potentiel dans sa lutte contre les islamistes radicaux, bourreaux des chrétiens au Moyen-Orient. Sans lui-même utiliser le terme de génocide, Sahin Alpay, chroniqueur à Today’s Zaman, reconnaît que la République de Turquie devrait enfin assumer son passé, à savoir présenter des excuses officielles aux Arméniens, les indemniser pour les biens dont ils ont été dépossédés et offrir la citoyenneté à leurs descendants. Un vœu pieux ?
Le Monde 13/04/2015
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Frédéric Baylot
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