Non aux vacances carcérales

Journal Alternatif La Décroissance  N° 118  – Avril 2015 – Nicolas Bertrand
J’ai testé pour vous la croisière en Méditerranée
194_1_mediaBalayons de suite les idées reçues depuis « La croisière s’amuse » jusqu’au naufrage du Costa Concordia. Les cabines sont confortables, le bateau est sécurisé, spacieux, appareillé contre l’ennui. L’ambiance est familiale, imaginez un taxi flottant qui vous conduit d’un pays à l’autre à 30km/h avec des allures de galerie commerciale. Vous trouverez des offres promotionnelles, mais vous serez saignés une fois à bord, avec votre carte d’embarquement qui fait office de crédit partout sur le navire Tout est payant et bien plus cher que sur la terre ferme, du cinéma, en passant par le spa, les photos, les excursions ou les boissons. Ne comptez pas ramener vos bouteilles à bord, elles seront confisquées dès l’entrée.
Tel Jonas dans la baleine, vous n’êtes qu’un numéro de cabine, balloté dans l’organisme de ce mastodonte des mers, vomissant des touristes sur les quais où attendent déjà les chameaux pour les faire grimper sur leur dos ou les chauffeurs dans leur taxi. Les escales sont plutôt courtes, impossible de flâner tranquillement sans avoir la criant de repartir à la nage.
La marée touristique polluant l’environnement immédiat, même en échappant à toute organisation proposée, vous retrouvez à une lieue du port vos voisins de table. Ici, au café des Délices, rebaptisé ainsi par le patron, depuis la chanson de Bruel, pour faire payer aux gogos le jus d’orange tunisien au prix indexé sur celui des Champs-Élysées Qui a le droit d’faire ça…
Dans ce Las-Végas-les-flots, tout est propre et clinquant, la restauration est celle d’une cafétéria avec une présentation de menu gastronomique et les spectacles si bien rodés qu’on espère la grosse vague pour renverser le plat show. Bon, je le confesse, j’ai apprécié modérément.
345_royal_promenadeEn revanche, les sous-employés surexploités sont adorables, même s’ils ne comprennent pas bien le français ni probablement le contrat qu’ils ont signé. Les compagnies maritimes sont souvent immatriculées sous pavillon de complaisance, un pays magique où les droits du travail donnent le sourire aux actionnaires. Ainsi, les Philippins peuvent besogner 16 heures par jour sans congés pour 600 euros par mois et sans pourboire puisque le touriste paie une taxe de séjour à la compagnie. Partir en croisière équivaut à boire un cocktail sur le pont d’un bateau d’esclaves. Les vacanciers doivent prendre sur eux pour oublier ceux qui rament en dessous. Les plaisanciers récidivistes considèrent que les détenus ont beaucoup de chance de cirer leurs pompes puisque dans leur pays misérable il n’y a pas de travail alors que là, ils vivent dans le luxe…
A la fin du circuit, les visiteurs sont conviés à cocher la case « excellent » sur le questionnaire de satisfaction, pour que le commandant touche une belle commission. Ces bulletins servent aussi au tirage au sort pour gagner une autre croisière; mais d’après les confidences d’une hôtesse, les formulaires avec une autre mention que excellent » sont directement jetés à la poubelle. Ouf!

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A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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