France 24.fr – 27/04/2015 – Charlotte BOITIAUX , envoyée spéciale à Londres

Très controversés au Royaume-Uni, les « contrats zéro heure » – qui ne garantissent aucune sécurité d’emploi, ni de salaire – sont au cœur des élections britanniques. Reportage de notre série sur le côté obscur du Royaume-Uni.
« Je pensais que ça serait plus facile », confesse d’emblée Julie, une jeune Française de 21 ans, au visage poupon, arrivée au Royaume-Uni il y a deux mois. « J’aimerais vraiment rester ici, mais je suis épuisée », ajoute-t-elle en souriant comme si elle voulait cacher sa fatigue sous un voile de légereté. En foulant le sol britannique, Julie s’est rapidement familiarisée avec le fameux « zero hour contract », littéralement « contrat zéro heure », qui remporte autant de succès que de critiques.
Julie ne savait pas vraiment qu’en signant ce genre de papier, elle s’engageait à donner les pleins pouvoirs à son employeur. Pensé pour enrayer la hausse du chômage en offrant plus de flexibilité à l’entreprise, le « zero hour contract » – qui existe depuis de nombreuses années au Royaume-Uni – permet en effet d’embaucher un salarié sans qu’aucune durée de travail ne soit fixée dans son contrat. L’employé n’est donc rémunéré que pour les heures travaillées. Il doit pouvoir se rendre disponible à n’importe quel moment de la journée : il est en quelque sorte à la « disposition » de son employeur.
En matière de droit social, on a fait mieux. Jusqu’ici principalement destinés aux étudiants et saisonniers, ces contrats se sont généralisés à toutes les catégories d’employés britanniques et ont explosé au Royaume-Uni depuis la crise de 2008. Aujourd’hui, près de 1,5 million de Britanniques travaillent sous ce statut, soit quatre fois plus qu’en 2010, à l’arrivée de David Cameron au pouvoir.

« Ce contrat affaiblit le niveau de vie de la population, et compromet la vie de famille »
Aux yeux d’Ed Miliband, le chef du Parti travailliste, ils symbolisent à eux seuls le dérèglement économique et social du pays. Depuis plus d’un an, le Labour est en campagne vent debout contre ces contrats. A l’approche des élections du 7 mai, le patron des travaillistes, a mis les bouchées doubles pour les diaboliser. « C’est une épidémie et nous allons y mettre fin », a-t-il déclaré le 1er avril. « Ce contrat affaiblit le niveau de vie de la population, et compromet la vie de famille. Parce que si vous ne savez pas quel nombre d’heures que vous allez effectuer d’un jour à l’autre, comment pouvez-vous avoir de sécurité pour vous et votre famille ? », a-t-il plaidé.
Un discours qui colle parfaitement à la situation de Julie. Impossible en effet pour elle de s’organiser à l’avance : « Dans certains boulots, je recevais mon planning de travail le dimanche à minuit pour bosser le lundi à 7 h, avec des horaires aussi flexibles qu’imprévisibles. Du coup, mes salaires ont souvent varié. Parfois, je bossais à plein temps, parfois juste quelques heures par semaine. »
