L’Islande, laboratoire de la démocratie est tentée par la « monnaie souveraine »

L’âge de faire – mai 2015 – Fabien Ginisty –
Le rapport a été remis au Premier ministre islandais fin mars. Son auteur, le parlementaire Frosti Sigurjonsson, du parti du progrès (centriste, au pouvoir), propose une politique monétaire révolutionnaire, en totale rupture avec le système actuel qui a conduit le pays au bord du gouffre en 2008.

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Quand la création monétaire sert les spéculateurs au détriment de l’économie réelle
En Islande, comme dans toutes les économies de marché, la banque centrale contrôle la création de monnaie en pièces et en billets. Mais la très grande majorité de la création monétaire (90% en Islande selon le rapport) se fait aujourd’hui en monnaie scripturale, c’est à dire quand les banques commerciales accordent une ligne de crédit à leurs clients, alors qu’elles ne possèdent en réalité qu’une petite partie de l’argent prêté. Sur cette création de monnaie dématérialisée, la banque centrale ne dispose que d’un pouvoir d’influence pour faciliter ou « durcir » le crédit, par ses outils de politique monétaire Mais elle ne le contrôle pas directement.
Selon Frosti Sigurjonsson, le problème des crises financières récurrentes vient de l’emballement des crédits accordés par les banques commerciales chaque fois que l’économie accélère. La Banque centrale d’Islande n’a pas les moyens d’endiguer cet emballement, qui dégénère en inflation, prise de risque exagérée des banques, spéculation financière… faillites et refinancements publics.
La présence de citoyens dans les instances de direction
Sa proposition intitulée  » Sovereign Money » (monnaie souveraine), consiste à retirer aux banques commerciales le pouvoir de créer de la monnaie scripturale. La banque centrale deviendrait la seule instance ayant le pouvoir de créer de l’argent, en fonction de l’intérêt de l’économie en général, et non des intérêts de particuliers. Quant à savoir à quoi servirait cette monnaie crée, « comme pour le budget de l’État, le Parlement débattra de la proposition du gouvernement pour l’allocation de la nouvelle monnaie« , explique le député. Les banques commerciales garderaient la gestion des comptes et moyens de paiement, ainsi que la fonction d’intermédiaires entre épargnants et emprunteurs. 
Pour l’économiste Dominique Pilhon, porte-parole d’Attac (Association pour la taxation des transactions financières et l’action citoyenne) et également membre du groupe des Economistes Atterrés, » c’est un moyen de se réapproprier la création monétaire qui, à l’heure actuelle est au service des intérêts privés ». Contacté par téléphone, et n’ayant pas pu encore étudier le rapport du parlementaire islandais, Dominique Pilhon préfère toutefois rester nuancé sur le principe d’une centralisation de la création monétaire, qui pourrait conduire selon lui à de graves dérives : « il faut se demander quels seraient les contre-pouvoirs véritables, si les parlementaires sont suffisamment indépendants face aux puissances de l’argent. la cela pose la question plus large du contrôle démocratique. » Et de prôner davantage le maintien d’une création « décentralisée » de la monnaie, avec, par contre, un « contrôle social des banques » par la présence de citoyens dans les instances de direction.
En Islande, le Premier ministre ne s’est pas encore prononcé sur l’éventuelle mise en œuvre du système de la « monnaie souveraine« . Si tel était le cas, le pays expérimenterait une nouvelle voie : jamais une économie de marché n’a testé unssytème monétaire aussi proche de la « banque globale« , utilisé en son temps par l’Union soviétique.

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Liberté sur Paroles – 25 avril 2015 – Eugénie Barbezat –
Dans La révolution des casseroles, chronique d’une nouvelle constitution pour l’Islande, Jérôme Skalski* détaille le processus démocratique, moderne et unique en son genre qui a amené les citoyens islandais à réfléchir et à construire ensemble une nouvelle constitution pour leur pays. Bien qu’actuellement gelée, cette expérience ouvre le champ des possibles, au cœur même d’une Europe dont on entrevoit qu’elle pourrait s’émanciper des diktats néolibéraux.
Au delà même de son aspect politique et didactique, par son style enlevé et ses références mythologiques élégamment distillées, le livre de Jérôme Skalski, écrit après deux séjours au pays des elfes, constitue une belle ballade en Islande, dont perce l’esprit (les esprits ?) au fil des pages.
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Genre : Essai /Collection : Un singulier pluriel /ISBN9782917817117 /Format21×12 cm / 108 pages
Date de parution 04/10/2012 /Prix 13, 50€
Suite au déclenchement de la crise financière internationale à l’automne 2008, l’Islande a choisi de tourner le dos à la « doctrine d’austérité » qui forme actuellement le lieu commun dominant des politiques de gestion de l’après-crise.
Passée du statut de laboratoire de la finance triomphante à celui du symbole de sa déroute, l’île nordique fut tout d’abord l’objet d’un mouvement de protestations aux conséquences inattendues. La presse internationale s’enflamma. On parla bientôt d’une « Révolution des casseroles » pour décrire les événements qui s’y déroulèrent et qui aboutirent en quelques semaines à la démission de son gouvernement et à l’anticipation d’élections législatives. Première dans l’histoire islandaise, une gauche armée d’ambitions réformatrices radicales, sous la pression de la société civile, arrive au pouvoir.

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Islande : Manifestation populaire contre les financiers
  * Jerôme Skalski est né en 1971 à Lens, dans le Pas-de-Calais -Pays noir. Fils d’une mère au foyer et d’un père professeur de mathématiques, frère d’un professeur agrégé de physique, il a vu les derniers chevalets du Bassin minier des environ de Lens. Il habite à Arras après un séjour de 17 ans à Lille, où il suivra des études de philosophie avec à la clé un mémoire de maitrise sur Marx. Ses études seront marquées par un engagement politique et syndical, bien que son militantisme politique remonte à ses 15 ans

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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