Royaume-Uni – Londres et le piège du « Brexit »

 LE MONDE | 02.05.2015
4626389_7_d6ea_le-premier-ministre-britannique-david-cameron_c57af2b97d829099047a24d470c50d6bEditorial du « Monde » Ce n’est plus de la politique-fiction : à force d’en brandir la menace, le Royaume-Uni pourrait bien sortir de l’Union européenne (UE). Le premier ministre conservateur, David Cameron, l’a dit et répété durant la campagne pour les élections législatives du 7 mai : s’il est reconduit, il organisera, d’ici à 2017, un référendum sur le maintien ou non de son pays dans l’UE. Et les sondages indiquent que les trois quarts des électeurs approuvent cette initiative, même s’ils sont très fluctuants sur l’issue d’un tel vote.
Déjà, la sortie de l’Union a son acronyme, le « Brexit » pour « British exit », et surtout de nombreux partisans. Le Parti conservateur, qui a longtemps été celui de l’Europe, est dominé par des europhobes, convaincus que Bruxelles bafoue la souveraineté de Westminster et que le royaume, dont les indicateurs économiques sont au beau fixe, a tout intérêt à se détacher d’un continent essoufflé. En outre, sous la menace du Parti pour l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP) de Nigel Farage, M. Cameron multiplie les surenchères et se fait fort de négocier avec l’Union une réforme de ses traités constitutifs conformes à ce qu’il considère comme les intérêts britanniques.
amilibanded_2224142bTout paraît donc prêt pour le scénario-catastrophe : une glissade du royaume hors de l’UE, pour ainsi dire par accident. La presse populaire dénonce quotidiennement, et souvent jusqu’à l’absurde, le coût insupportable de l’Europe, ses réglementations, son intrusion dans les affaires britanniques. Les subventions aux projets d’infrastructures et aux agriculteurs sont ignorées, de même que les bénéfices du marché unique. Certes, les avocats du maintien dans l’UE se font entendre, à commencer par Ed Miliband, le candidat travailliste à la succession de David Cameron, qui met en garde contre les conséquences « désastreuses » d’une sortie de l’Union. Mais le soutien des milieux d’affaires à l’UE, longtemps acquis, s’effrite.
Perte d’influence
Il est donc urgent, autant qu’il est possible, d’aider les Anglais à sortir du piège europhobe où ils sont en train de s’enfermer. L’évidence, en effet, est que la Grande-Bretagne fait partie de l’Europe. Elle y a d’autant plus sa place qu’elle s’y est taillé, au fil des années, un statut particulier qui tient déjà un large compte de son identité insulaire : elle ne fait partie ni de la zone euro ni de l’espace Schengen. Le « Brexit » signerait une perte d’influence considérable pour Londres.
Mais il aurait aussi des conséquences graves, voire désastreuses, pour l’Union européenne. Sans la Grande-Bretagne, l’Europe ne serait plus tout à fait l’Europe. Sa puissance économique et financière, sa capacité de négociation dans toutes les discussions commerciales en cours, son influence sur la scène mondiale seraient sévèrement amputées. Et ses équilibres remis en cause : la prééminence de l’Allemagne se trouverait renforcée au sein de l’UE, et la France, plus isolée, serait privée d’un précieux partenaire diplomatique et militaire. Pour éviter ce scénario-catastrophe, il faut sans doute négocier des accommodements susceptibles de faire basculer l’opinion britannique. Mais aussi aider les défenseurs de l’idée européenne outre-Manche à mettre en évidence tous les apports de l’Union en matière de liberté de circulation, d’emploi et de paix.

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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