Austérité, précarité, les britanniques disent « Encore ! »

Charlie Hebdo – 13/05/2015 – Jacques Littauer –
En dépit d’une politique d’austérité sans précédent, Le Premier ministre conservateur, David Cameron, a été largement réélu. Sans doute grâce au faible taux de chômage, nouveau « miracle anglais ».

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So easy. Le Premier ministre britannique a remporté haut la main les élections législatives, ses adversaires travaillistes disposant aujourd’hui d’aussi peu de sièges au Parlement qu’en 1987, en pleine vague thatchérienne. Il a été bien aidé par les indépendantistes écossais, qui ont remporté la quasi-totalité des sièges d’Écosse, privant ainsi le Labour de nombreux élus. L’enjeu européen a sans doute été aussi décisif; en promettant un référendum sur la sortie de l’Union européenne d’ici à 2017, Cameron d’est attiré les voix de la frange nationaliste de l’électorat, qui veut en finir avec « Bruxelles ».
Et puis, bien sûr, il y a l’économie et le nouveau « miracle britannique », celui qui a permis au pays de créer 1,6 million d’emplois depuis 2010 et au taux de chômage de descendre à moins de 6%. Le ministre des Finances, Georges Osborne, a ainsi pu affirmer que « le seul comté du Yorkshire a créé plus d’emplois que la France », qui, en effet, n’a créé que 260   emplois dans le même temps.
Malheureusement, les créations d’emplois britanniques reposent sur de vieilles recettes bien connues : baisse des salaires, précarité et chasse aux chômeurs. Du côté des salaires, les employés britanniques ont subi une perte de revenus de 2,5% depuis 2009 (contre un gain de 5% en France). C’est le chantage classique : mieux vaut un mauvais emploi mal payé que pas d’emploi du tout, isn’it ?
imagesHE6H1QWSCôté précarité, la grande nouveauté est l’explosion de l’auto-entreprenariat, qui représente les deux tiers des créations d’emploi. Avantage pour les entreprises : une main-d’œuvre ultra « flexible », qui n’est employé qu’en cas de besoin et dont la rémunération est révisée à la baisse dès que les commandes sont moins nombreuses. Enfin, les réformes sociales ont « incité » de nombreuses personnes à chercher du travail : contrôle accru des chômeurs, report de l’âge de départ à la retraite… Autant d’éléments qui ne laissent guère d’autre choix que de travailler, même si c’est pour un salaire de misère.
Le résultat de tout cela, c’est que l’économie britannique s’avère… très inefficace. En effet, développer les petits boulots ( livreur, serveur, hôtesse…), c’est multiplier les emplois qui produisent très peu de richesses. Il a été ainsi calculé que, si l’économie française devenait demain aussi peu efficace que sa cousine britannique, elle aurait 4 millions d’emplois supplémentaire ! Mais ces emplois devraient être payés au niveau britannique…
Par ailleurs, Cameron aura réussi à faire encore plus fort que Margaret Thatcher en termes de réduction des dépenses publiques. Baisse des allocations logement, plafonnement des aides sociales, explosion des frais d’inscription à l’université (qui peuvent atteindre jusqu’à 12 500 euros par an), forte réduction du nombre de fonctionnaires (750 000 de moins), baisse des salaires dans la fonction publique… Tout ou presque y est passé. Et le plus fort est que cela n’est pas terminé. David Cameron ayant axé sa campagne sur une nouvelle coupe dans les dépenses, afin de parvenir à un excédent budgétaire en 2018 (contre un déficit de 5% du PIB aujourd’hui; il était de 11% en 2010),. Quand on ajoute à cela le fait que la croissance britannique repose sur l’endettement des ménages (qui ne peuvent pas faire autrement, vu le niveau des salaires) et une nouvelle bulle immobilière, on voit qu’il n’y a pas grand chose d’enviable dans ce « modèle ».
En fait, ce que promeut Cameron, c’est une copie du modèle américain, fondé sur la finance, l’endettement, les inégalités croissantes et la précarité. Certes le Royaume-Uni n’est pas encore sorti formellement de l’Union européenne, mais sur le plan économique et social, il s’éloigne toujours plus de ce qu’il reste du « modèle social européen ». Donc, s’inspirer de ses « succès » reviendrait à renier ce que les pays européens ont pu apporter de mieux à leurs citoyens. 
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Les contrats ultra-précaires se généralisent au Royaume-Uni. Environ 1 million de Britanniques sont employés dans le cadre d’un contrat à « zéro heure », c’est-à-dire sans garantie d’un temps de travail ou d’un salaire minimum. David Cameron considère que ces contrats contribuent à une « souplesse » nécessaire à la solidité de l’emploi britannique.

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