T’as beau paraître bio … Le vin bio sent le soufre

 LE MONDE | 22.05.2015 |verre rouge
Le label vert européen cache des dizaines d’additifs. Mieux vaut savoir à quel nectar on a affaire avant de choisir une bouteille.

4637859_6_b153_le-label-europeen-bio-autorise-l-utilisation_b046c73e25f93f298510ef8aa0be0b0d

Alors que le label vert européen autorise des dizaines d’additifs et une proportion de soufre élevée, des vignerons revendiquant une vraie viticulture bio connaissent des tracas judiciaires pour refus de pesticides.
L’association Les Vins S.A.I.N.S. (« Sans aucun intrant ni sulfite ajouté »), qui compte dix-huit adhérents en France et en Europe, a été créée par Catherine Vergé, vigneronne dans le Macônnais. Elle part d’une évidence : le vin est du jus de raisin fermenté et il suffit de le laisser faire sans rien y ajouter. Noble dessein, mais entreprise à haut risque lorsqu’on connaît l’éventail de produits et de pratiques à la disposition du premier œnologue venu.
Catherine Vergé en a dressé la liste (à consulter sur le site vins-sains.org) pour les différentes catégories de vins proposées aux consommateurs, au moment où chacun fait assaut de propreté, de prise de conscience écologique et de conversion en agriculture bio, dans un vignoble qui utilise près de 15 % de pesticides sur moins de 4 % de la surface agricole utile (SAU). Qu’en est-il exactement à l’arrivée parmi les multiples labels se réclamant du bio ?
Un label moins crédible
Dans le vin conventionnel qui sert de référence, tout est permis : levurage, enzymage, chaptalisation, acidification, adjonction de soufre, etc. Le label bio européen – la feuille sur fond vert – entré en vigueur en 2012 est le plus répandu sur les bouteilles. A l’examen, il permet une quarantaine d’additifs et de manipulations diverses qui vont de l’usage des levures à celui des copeaux de chêne en passant par l’osmose inverse, les préparations enzymatiques et les tanins œnologiques.
Le soufre (SO²) y est autorisé à hauteur de 100 mg/litre pour les rouges et 150 mg/litre pour les blancs. Juste 25 % de moins qu’en conventionnel. Nous sommes loin du jus de raisin qui fermente tranquillement et la crédibilité du label bio européen est égale à la confiance que lui accorde un consommateur averti : moyenne. La certification Demeter en biodynamie, la charte de l’Association des vins naturels et celle de Nature & Progrès, qui n’autorisent qu’un peu de soufre à la mise en bouteille avec un minimum d’intervention sur le vin, sont les plus sérieuses. Ce n’est pas un hasard si moins d’un millier de vignerons peuvent s’en réclamer alors que le label européen fleurit un peu partout.

4637858_6_76a7_pour-avoir-refuse-de-traiter-ses-vignes-contre_4bc729e31f39f6d0657f8ab0f8e83b35

Pour avoir refusé de traiter ses vignes contre la flavescence dorée, Thibault Liger-Belair, vigneron bio en nuits-saint-georges et moulin-à-vent, a été convoqué devant le tribunal de Villefranche-sur-Saône. Philippe Desmazes/AFP
Ces différences posent, à terme, cette question fatale – et pas seulement à propos du vin : « de quel bio est-on ? »  De celui qui s’accommode des exigences du marché et de la grande distribution pour faire du « presque propre » ? Ou de celui qui reste fidèle aux principes de respect de l’environnement et des produits, à l’écart des pratiques agrochimiques ?
Thibault Liger-Belair appartient assurément à la seconde catégorie, ce qui lui a valu de comparaître le 19 mai devant le tribunal correctionnel de Villefranche-sur-Saône pour « refus d’effectuer les mesures de protection des végétaux », en l’espèce la « lutte insecticide contre le vecteur de la flavescence dorée ». Vigneron en bio de nuits-saint-georges (Côte-d’Or) et de moulin-à-vent, il a refusé de traiter préventivement contre cette maladie incurable, véhiculée par la cicadelle. Parce qu’il s’interdit toute molécule de synthèse dans ses vignes et parce que le foyer de la flavescence se trouve à Plottes, à 40 kilomètres de chez lui, sur un cépage chardonnay alors qu’il est entièrement en gamay. En outre, son domaine étant à cheval sur le Rhône et la Saône-et-Loire, et seule la préfecture de Saône-et-Loire ayant imposé le traitement, il se réclame de celle du Rhône qui, elle, ne l’exige pas.
L’ouverture d’un débat sur des solutions alternatives
Les tracas judiciaires de Thibault Liger-Belair sont surprenants car en décembre 2014, la cour d’appel de Dijon avait relaxé Emmanuel Giboulot, vigneron à Beaune, poursuivi pour les mêmes motifs. L’un comme l’autre ont toujours répondu aux accusations d’irresponsabilité et de mise en danger du vignoble que, si la flavescence était là, ils la traiteraient comme tout le monde. Mais elle n’était pas là et, selon Jean-Yves Bizot, président de la commission technique de l’interprofession, « les zones de traitement ont diminué » et la présence de la maladie a connu une « forte baisse » en 2014 avec « quelques foyers en Saône-et-Loire et des zones très localisées en Côte-d’Or ».

4637860_7_6f8c_emmanuel-giboulot-viticulteur-bio-de_4333b3d93b8d09fac8e1406a5fe0bf82

Emmanuel Giboulot, viticulteur bio de Côte-d’Or, n’a pas voulu traiter ses vignes aux pesticides. Il a été condamné en première instance à payer une amende, puis relaxé par la cour d’appel de Dijon, le 4 décembre 2014. Jeff Pachoud/AFP
En ressortant « blanchi » du tribunal, Emmanuel Giboulot s’était déclaré heureux d’avoir engagé le débat sur les pesticides et les solutions alternatives telles que l’usage de prédateurs de la cicadelle. Aux juges de Villefranche de dire dans quel sens ils entendent poursuivre le débat et si la loi est la même en Côte-d’Or et dans le Rhône. Ils prendront leur temps, l’audience a été reportée au 17 novembre.
Vins sains-org,vinsnaturels.fr,Demeter.fr
jp-gene-chroniqueur-culinaireJP Géné

A propos kozett

Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
Cet article, publié dans Agroalimentaire, Ecologie, Europe, Justice, est tagué , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.