Festival St Malo « Etonnants Voyageurs » – Transport littéraire : Le train du livre

avalise visa-delsey-valise-trolley-4-roues-new-pin-up La roue a été inventée trois mille cinq cents ans avant Jésus-Christ. Curieusement, il aura fallu attendre les années 1990 pour voir l’usage des valises à roulettes se généraliser.
La société moderne a été capable d’envoyer des hommes sur la Lune avant de penser à ajouter roulettes et poignées sur des valises – comme s’en étonnait déjà Nassim Nicholas Taleb dans Antifragile en 2012 (Random House).
aetonnants-voyageurs-25-annees-d-une-aventure-litteraire_5328221La réflexion vous vient en regardant les passagers s’installer dans un TGV ce samedi matin, dans le  » train du livre  » destination Saint-Malo, où se tient le festival Etonnants Voyageurs.
Pas de sac à dos, pas de baluchon. Dans les compartiments à bagages de ces étonnants voyageurs ne s’empilent quasiment que des valises à roulettes alors que ces machines à poignée rétractable sont remarquablement absentes de la littérature.
Imagine-t-on Rimbaud, les poings dans ses poches crevées, tirant sa valise à roulettes sur les routes ?
Et pourtant, même la navigatrice Isabelle Autissier trimballe la sienne aujourd’hui. Avec un petit sac qui contient son ordinateur,  » les nouveaux nomades « , blague-t-elle. Tout comme Antoine de Maximy, de l’émission  » J’irai dormir chez vous « . Valise à roulettes pour l’éditeur qui n’a pas manqué une édition, pour cette dame en cuir rouge venue avec deux chiens –  » j’ai laissé le troisième à la maison «  – ou pour Patrick Rambaud, qui avait juré de ne plus écrire sur Nicolas Sarkozy et prépare une nouvelle charge présidentielle.
Ce train du livre avait initialement une finalité pratique. Le festival Etonnants Voyageurs jugeait plus simple d’en affréter un entier pour ses invités que de réserver, annuler, confirmer des billets à l’unité. C’est devenu le point de départ du festival. Dans ce train, des écrivains réalisent qu’ils sont écrivains parce qu’ils viennent de croiser d’autres écrivains.  » C’est là qu’on m’a présenté à Paul Auster « , se souvient Atiq Rahimi, lauréat du Goncourt 2008. Une autoproclamée poétesse agoraphobe s’inquiète à l’idée de perdre connaissance en recevant un prix en public. Michel Serres, qui compte intituler son prochain livre Solitude, s’est fait une place parmi les 350 voyageurs.
A bord encore, des éditeurs, des réalisateurs, des journalistes, toutes sortes d’invités du festival, dont ceux qui veulent se convaincre que les trois heures de trajet leur permettront de lire les quatre livres des participants à leur table ronde. Les anciens savent qu’il faut baisser la voix pour dire ce que l’on pense d’un livre ou d’un film. Son auteur est peut-être assis derrière. Dans ce train, le numéro de Paris Match sur Renaud et le Elle sur Inès de la Fressange ne trouvent pas preneurs en voiture-bar. Des gens lisent Maupassant sans qu’il soit au programme scolaire. Un visiteur qui monterait à bord par accident en déduirait que le livre est l’avenir du numérique.
L’éditrice Anne-Marie Métailié s’en souvient. C’est le train du livre qui, en 1992, lui a permis de faire venir un romancier chilien parce qu’elle n’avait pas les moyens de lui payer le billet depuis Hambourg. Et là, à Saint-Malo, Luis Sepulveda, l’auteur du Vieux qui lisait des romans d’amour, devint une vedette.  » Voir les auteurs dans un train vous permet de comprendre que ce ne sont pas des monstres sacrés « , raconte le Chilien, devenu depuis un régulier.

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A l’arrivée à Saint-Malo, des grands voyageurs sont perdus à la descente du bus quand on leur explique qu’ils peuvent abandonner leurs valises et qu’ils les retrouveront dans leur chambre d’hôtel.  » Tout groupe humain se comporte comme un groupe de troisième âge « , plaisante Michel Le Bris, le fondateur du festival. Et trois jours plus tard, l’organisateur malouin ronchon embrasse comme pour les retenir les gens qui repartent dans le train que lui n’a jamais pris.
 » Le voyage en train fait partie de la tradition, comme la bouteille de whisky partagée « , retient encore Luis Sepulveda de ce train où l’on peut faire un appel au micro pour chercher un tire-bouchon. A la voiture-bar, des auteurs africains s’amusent de se voir systématiquement conviés aux mêmes tables rondes à travers la France. Ils parlent de leurs visites aux lycées pro, des fêtes de banlieue.  » Pantin et Bobigny, c’est la rue Princesse – une rue d’Abidjan, NDLR – « . Et les écrivains parisiens partis à Saint-Malo comprendront que le vrai voyage était en banlieue, à côté de chez eux.
30 mai 2015 par Guillemette Faure © Le Monde
Les 250 auteurs présents à Étonnants Voyageurs dans la cour du château de Saint-Malo | Marc Ollivier

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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