Sarkozy, une contre-diplomatie très politique : Manque de propositions

Le Monde.fr | 22.07.2015 |
L’»ancien président de la République multiplie les critiques contre la politique étrangère de son successeur
aROI-BOUFFON-SARKOZY1Il est des journées où le passé refait surface. Lundi 20 juillet, Nicolas Sarkozy a été reçu comme un chef d’Etat en Tunisie. Déplacement en convoi sécurisé, entouré des forces de police ; entretien d’une heure avec le président de la République, Béji Caïd Essebsi, dans le salon doré du palais de Carthage ; dépôt solennel d’une gerbe devant la stèle d’hommage aux victimes de l’attentat du Musée du Bardo… « On est bien ici. Pris dans le débat politique national, on ne voyage pas assez », confie le président des Républicains (LR), visiblement heureux de retrouver l’hôtel où il était descendu lors de sa visite d’Etat, en 2008.
_DatiericciottiEcarté du pouvoir par les Français, M. Sarkozy a savouré chacun des honneurs de la République tunisienne : quatre ministres à sa table de déjeuner, des remerciements en pagaille pour sa venue, et une visite du souk déserté par les touristes. Trois ans après sa défaite, l’ancien président de la République aurait-il la nostalgie des voyages officiels ? « Je ne suis pas quelqu’un qui est dans le passé. Je ne vis pas d’amertume. Ici, je ne parle pas au nom de la France, je parle au nom de ma famille politique », assure-t-il après un dîner passé sous une tente, près de la plage.

christian-jacob--par-alain-brillon

Autour de lui, sa délégation, composée notamment de :
Rachida Dati, Eric Ciotti et Christian Jacob, écoute. Sans jamais l’interrompre.
Depuis début juin, M. Sarkozy a repris une intense activité internationale. En un peu plus d’un mois et demi, il s’est rendu en Israël et dans les territoires palestiniens, au Maroc où il a été reçu par le roi Mohammed VI, en Espagne où il précise s’être « promené dans la rue » avec le président du gouvernement, Mariano Rajoy, et donc à Tunis. A l’écouter, il voyage pour préparer l’avenir. Il tient à ce que son parti s’internationalise et prépare « l’alternance adaptée au XXIe siècle ». « Il n’y a plus d’un côté le national et de l’autre l’international. Comment voulez-vous que l’on prépare l’avenir en raisonnant seulement dans les bornes de l’Hexagone ? », interroge-t-il. Dans les mois à venir, il devrait se rendre en Algérie, en Chine, en Inde… Il rêve aussi de Russie où il souhaite rencontrer Vladimir Poutine, qui serait demandeur de cette visite, selon l’équipe de l’ex-chef de l’Etat.
« Premier opposant »
En attendant 2017, ces voyages servent surtout à occuper un présent dans lequel il aime à se définir en « premier opposant de François Hollande ». En Tunisie, M. Sarkozy a déploré que la Libye ait été « abandonnée depuis trois ans ». Une façon de rejeter la responsabilité du chaos libyen sur la communauté internationale et sur son successeur. Un moyen aussi de ne pas répondre aux questions des médias tunisiens sur son propre rôle, lui qui fut à l’origine de la coalition qui était intervenue en 2011 contre Mouammar Kadhafi. La gestion de la crise grecque par le président de la République ? « J’ai compris qu’il était satisfait, ça en fait au moins un », a-t-il lâché. Pendant son voyage en Israël, le 8 juin, M. Sarkozy avait déjà jugé « dangereux » un projet de résolution sur le conflit israélo-palestinien que le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, entend soumettre au Conseil de sécurité de l’ONU avant la fin de l’année.
Lors de ses déplacements internationaux, M. Sarkozy a ainsi pris l’habitude de dénigrer la diplomatie française, foulant allègrement aux pieds la règle implicite qui veut qu’on ne critique pas l’exécutif depuis l’étranger. « Je n’ai jamais compris cette règle, justifie le député Pierre Lellouche, chargé des affaires internationales au sein de LR et présent en Tunisie. Aucune démocratie moderne ne peut fonctionner comme ça, d’ailleurs John McCain [l’ex-candidat républicain à la Maison Blanche] ne se prive pas de critiquer Barack Obama à l’étranger. Comment préparer 2017 sans évoquer des sujets aussi importants ? »
Officiellement, à l’Elysée, on assure ne pas prendre ombrage de l’activisme diplomatique de l’ancien président : « En tant que dirigeant de parti, il a tout à fait le droit de se déplacer à travers le monde, explique la présidence. En plus, il est ancien chef de l’Etat et à ce titre, il est tout à fait normal qu’il soit reçu par ses anciens collègues. Il n’y a pas matière à polémique. » S’il est logiquement agacé par la diplomatie parallèle de son successeur, François Hollande a donc pris le parti de ne pas s’en offusquer, du moins publiquement. Il affecte même d’en sourire. Ainsi a-t-il moqué en privé la « déclaration historique » de Nicolas Sarkozy qui, le 12 juillet à Bruxelles, s’en était pris à lui avec virulence : « Il faut que M. Hollande se ressaisisse et reconstitue une unité avec la chancelière allemande. » Un proche du chef de l’Etat confirme : « Il traite cela avec humour et détachement, avec une forme de distance ironique. » M. Hollande irait même jusqu’à considérer que les multiples sorties de son prédécesseur desservent ce dernier : « Sur le dossier européen, il a changé trois ou quatre fois de position. Rien n’échappe à l’opinion qui saisit qu’il y a des tergiversations, des changements de pied et de cap », glisse l’entourage du chef de l’Etat.
Manque de propositions
Très critique vis-à-vis de la politique internationale de l’exécutif, M. Sarkozy entend faire de son passé de chef d’Etat un atout dans la bataille qui l’oppose à droite à Alain Juppé, François Fillon ou Bruno Le Maire. Autant de rivaux qui ont servi dans ses gouvernements mais ne peuvent rencontrer aussi facilement les dirigeants internationaux. Sur le fond des dossiers, toutefois, ses initiatives apparaissent parfois hasardeuses.
A Bruxelles, son injonction à M. Hollande est arrivée à contretemps, quelques heures à peine avant le sommet décisif de la zone euro qui s’est conclu sur un accord évitant le « Grexit ». A Tunis, il a reproché à la communauté internationale de ne pas avoir les bonnes réponses face à l’Etat islamique. Mais il a botté en touche chaque fois qu’on lui demandait de préciser ce qu’il faudrait faire. « Envoyer des avions, ce n’est pas suffisant, il faut qu’ils soient efficaces », s’est-il contenté de déclarer lors d’un meeting. Interrogé sur la situation sécuritaire de la zone, il a rappelé l’importance du dialogue au sein de l’Union pour la Méditerranée, une instance qu’il a créée en 2008 mais devenue depuis une coquille vide. Il n’a, par contre, pas donné de nouvelles perspectives.
Enfin, une phrase maladroite sur l’Algérie a froissé une partie de l’opinion. « La Tunisie est frontalière avec l’Algérie [et] avec la Libye. Ce n’est pas nouveau. Vous n’avez pas choisi votre emplacement », a expliqué le président des Républicains, avant de poursuivre : « L’Algérie ? Qu’en sera-t-il dans l’avenir ? De son développement, de sa situation ? C’est un sujet qui, me semble-t-il, doit être traité dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée. C’est plus que jamais nécessaire. »
Il y a des raisons à ce manque de propositions. Loin de l’Elysée, M. Sarkozy est à l’écart des dossiers et des informations venues des états-majors, des services ou du Quai d’Orsay. Sur la Syrie, il explique parfois en off qu’il n’a pas les éléments suffisants pour se prononcer. Et rue de Vaugirard, au siège de son parti, il doit travailler avec une équipe réduite. Pierre Régent est son nouveau conseiller diplomatique. A 34 ans, cet ancien conseiller presse chargé des questions internationales pendant une grande partie du quinquennat Sarkozy s’appuie sur le travail de quelques anciens membres de sa cellule élyséenne, notamment Fabien Raynaud, ancien conseiller aux affaires européennes. En revanche, l’ancien sherpa du quinquennat, l’expérimenté Jean-David Levitte, a pris du champ et n’envoie plus de notes à l’ex-chef de l’Etat. L’époque de la présidence est bien loin.
Matthieu Goar Journaliste au Monde
David Revault d’Allonnes Grand reporter au service politique. En charge de l’Elysée
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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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