Une réforme territoriale en béton armé

Le Canard Enchaîné – 5 août 2015 – H.L. –

A défaut d’économies espérées, La réforme territoriale a déjà un résultat à son actif : la relance du bâtiment. Dans les nouvelles capitales régionales, dont la liste a été officialisée par le dernier Conseil des ministres, il va falloir acheter ou louer d’urgence des locaux supplémentaires pour accueillir les conseillers qui seront élus en décembre. Par exemple, le siège de la région Rhône-Alpes était taillé pour 157 élus et avait coûté 200 millions en 2011. Demain, il faudra pousser les murs pour installer les 47 conseillers représentant l’Auvergne A Bordeaux, le bâtiment avait été conçu pour 85 conseillers. Il seront 183 en décembre Et Strasbourg va devoir en héberger 169, contre 47 aujourd’hui… 

A l’inverse, les immeubles des anciennes régions vont être désertés. A commencer par celui, flambant neuf de l’ex-Auvergne, à Clermont-Ferrand, dont la facture s’est élevée à 80 millions d’euros. Pour atténuer l’impression de gâchis, il est déjà prévu d’installer des antennes régionales dans les bâtiments. Lesquelles seront animées par un personnel qu’il faudra embaucher et payer…

Bien entendu, les nouvelles régions vont vouloir se doter de nouveaux logos qui font faire la fortune des agences de com’ et des fabricants de gadgets. Et d’onéreux cabinets de conseil ont déjà été mis à contribution pour préparer la fusion. La future Normandie s’apprête à claquer 1  400 000, selon le mensuel « Capital » (mai). A savoir, 800 000 euros hors taxes pour plancher sur le « rapprochement des systèmes d’information » en la Basse et la Haute-Normandie et 600 000 autres euros pour « définir une politique commune en matière de ressources humaines« .

Autre poste de grosses dépenses : l’harmonisation des salaires entre les fonctionnaires des différentes régions. Elle devrait se faire par le haut et coûter au total plusieurs dizaines de millions d’euros par an. Quant aux effectifs, il n’est pas question d’y toucher pour l’instant. Comme « Le Canard » l’avait annoncé en avant-première, les 26 rectorats métropolitains seront – au moins dans un premier temps –  conservés. Et les transferts de directions régionales ont été calculés au trébuchet pour éviter de trop froisser les susceptibilités locales à la veille des élections régionales.

Après le vote, il sera toujours temps de penser à l’addition…

Il eut été tellement simple de réduire le nombre d’élus ! Ces conseillers et décideurs « d’en haut », de plus en plus nombreux ne connaissent pas la crise.  La croissance, c’est pour eux, l’austérité pour les autres…