Thomas Piketty : « La dette publique est une blague ! La vraie dette est celle du capital naturel »

Intéressante interview accordée par Thomas Piketty à Reporterre.
arton7569-df4cdExtrait :
Cela a-t-il un sens de continuer à parler de croissance du PIB quand l’activité économique a un énorme impact sur l’environnement ?
Mieux comptabiliser le capital naturel est un enjeu central. La dégradation du capital naturel est un risque autrement plus sérieux que tout le reste. Cela est la véritable dette.
La ‘dette publique’ dont on nous rabâche les oreilles est une blague! C’est un pur jeu d’écriture : une partie de la population paye des impôts pour rembourser les intérêts à une autre partie de la population. Mais on n’est pas endetté vis-à-vis de la planète Mars !
Des dettes publiques, dans le passé, on en a déjà eu : 200 % du PIB en 1945 et l’inflation les a balayées. C’est d’ailleurs cela qui a permis à la France et à l’Allemagne d’investir durant les années 50-60, de financer les infrastructures et le système éducatif. Si on avait dû rembourser cette dette avec des excédents primaires – comme on demande aujourd’hui à la Grèce de le faire – on y serait encore.
Donc, la dette publique est un faux problème parce que les patrimoines financiers, immobiliers et marchands possédés par les ménages ont progressé beaucoup plus fortement que n’a progressé la dette publique.
Cette augmentation des produits marchands est beaucoup plus importante que la dette publique qu’on pourrait rayer d’un trait de plume. En revanche, si on augmente de 2°C la température de la planète d’ici cinquante ans, ce n’est plus un jeu d’écriture ! Et on n’a rien sous la main permettant de régler le problème de ce coût imposé au capital naturel.

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Un PIB qui n’intègre pas le capital naturel a-t-il un sens ?
Le PIB n’a jamais de sens. J’utilise toujours le concept de Revenu national : pour passer du produit intérieur brut au revenu national, il faut retirer la dépréciation subie par le capital.
Si une catastrophe a détruit votre pays, et que tout le pays est occupé à réparer ce qui a été détruit, vous pouvez vous retrouver avec un PIB extraordinairement élevé alors que le revenu national sera très faible.
Il faut prendre en compte ce qu’on a détruit, comptabiliser le capital naturel. Rendre compte de ce qu’on crée sans déduire ce qu’on a détruit est stupide.
Lire l’intégralité de l’interview sur Reporterre
Thomas Piketty, né le 7 mai 1971 à Clichy, est un économiste français, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Ancien élève de l’École normale supérieure (promotion 1989 Sciences) et docteur en économie de l’EHESS, il est spécialiste de l’étude des inégalités économiques, en particulier dans une perspective historique et comparative, et auteur du livre Le Capital au XXIe siècle (2013).
Il a reçu en 2002 le prix du meilleur jeune économiste de France et en 2013 le prix Yrjö Jahnsson. Après avoir joué un rôle majeur dans la fondation de l’École d’économie de Paris, il y est professeur en 2014.

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