Asile climatique : entre l’Australie et Hawaï

D’ici à 2030, l’archipel des Kiribati aura sans doute disparu, avalé par les eaux de l’océan Pacifique. Anticipant cette fin inéluctable, Ioane Teitiota a réclamé le statut de « réfugié climatique » à la Nouvelle-Zélande, ce que Wellington lui refuse (La Tribune de Genève). Le Monde 14 août 2015

Teitiota, star involontaire de «l’asile climatique»

Combattre le réchauffement
Il est né sur un atoll des Kiribati, dans le Pacifique. Un archipel voué à la disparition d’ici à 2030. La Nouvelle-Zélande lui refuse le statut de réfugié. Sera-t-il expulsé? Le cas est emblématique.

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 L’archipel des Kiribati. Selon les autorités de cette mini-nation, il aura purement et simplement disparu vers 2030, avalé par les eaux montantes du Pacifique. Image: AP
 Michael Kidd n’est pas du genre à baisser les bras. «Si nous échouons devant la Cour suprême, nous irons à Genève» devant le Comité des droits de l’homme de l’ONU, a asséné l’avocat néo-zélandais quand un journaliste du magazine américain Foreign Policy lui a demandé, en janvier dernier, des nouvelles de son client Ioane Teitiota. La décision de la plus haute instance judiciaire est tombée le 21 juillet: ce dernier ne sera pas le premier réfugié climatique du monde.
Né il y a trente-huit ans sur l’atoll de Tabiteuea, une des 33 minuscules îles de la République des Kiribati, quelque part entre l’Australie et Hawaï, il est devenu une célébrité en 2013 quand son défenseur a introduit une demande d’asile «climatique» à Auckland. Déjà débouté en première instance et en appel, le Micronésien s’attend désormais à être renvoyé, avec femme et enfants, sur son archipel agonisant. Selon les autorités de cette mini nation, vers 2030 leur Etat aura purement et simplement disparu, avalé par les eaux montantes de l’océan Pacifique. Et ce ne sera pas le seul. Plus de 2 millions de citoyens d’Etats insulaires sont ainsi promis à l’exil, estime le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), dont le secrétariat est à Genève.
Deux mètres au-dessus des eaux
A l’origine, Ioane Teitiota n’avait pas songé à devenir un réfugié climatique. Lui et sa femme, Angua Erika, sont arrivés en Nouvelle-Zélande en 2007 munis d’un visa de travail et ne demandaient qu’à obtenir son extension. Mal conseillés, maîtrisant à peine l’anglais, ils ont manqué les délais pour une demande en bonne et due forme. Le couple, qui a eu trois enfants à Auckland, a également raté l’opportunité de requérir un permis humanitaire. C’est donc en désespoir de cause qu’ils ont confié leur cas à Me Kidd, à la fois avocat et pasteur pentecôtiste. C’est lui qui a eu l’idée d’utiliser l’argument du réchauffement planétaire pour requérir l’asile…
 La tentative a donc échoué. La Convention de l’ONU relative au statut des réfugiés, adoptée en 1951 en plein chaos après la Seconde Guerre mondiale, offre protection à toute personne «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques» dans son pays, précise le Haut-Commissariat aux droits de l’homme.
Bref, les juges néo-zélandais sont bien empruntés quand on leur demande de reconnaître des «réfugiés» climatiques. Par contre, certains magistrats prennent au sérieux la menace pesant sur les habitants de ces archipels. Ce fut par exemple le cas pour Sigeo Alesana et sa famille, ressortissants de l’Etat polynésien de Tuvalu. Certes, leur avocat, Trevor Zohs, a tenté sans succès de faire valoir que le gouvernement de Funafuti ne parvient pas à protéger ses 10.000 citoyens face à la multiplication des cyclones dévastant ce territoire qui émerge à peine à 2mètres au-dessus du niveau de la mer. Au moins 7% des terres ont disparu en dix ans. Les sources d’eau potable sont polluées suite aux inondations. L’agriculture s’effondre. Et en mars dernier, le cyclone Pam a mis sur les routes 45% de la population nationale. Pour autant, si les juges néo-zélandais ont finalement offert l’an dernier un permis humanitaire à Sigeo Alesana et sa femme, c’est officiellement parce que leur famille élargie compte plusieurs générations de Néo-Zélandais et que leurs deux enfants, nés chez les Kiwis, portent la nationalité. Partir à Tuvalu mettrait leur développement en danger, en raison des effets du changement climatique, a cependant reconnu la justice pour la première fois. Sans pour autant constituer un précédent qui ouvrirait une brèche pour des millions de requérants.
Un vide juridique bien pratique
Déjà, au moins 17 requêtes d’asile climatique ont été rejetées, ces vingt dernières années, par la Nouvelle-Zélande et l’Australie, selon Jane McAdam, experte en droit d’asile à l’Université de Nouvelle-Galles du Sud, à Sydney. Certes, ce n’est pas là une violation de la convention de 1951, mais cela ne résout pas non plus le phénomène migratoire qui va aller en augmentant. A Canberra et à Wellington, personne n’est pressé de proposer une nouvelle loi protégeant ces exilés du climat. Pas question de les encourager. En 2011, le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés a bien tenté de lancer une réflexion juridique. Sans succès. (TDG)
(Créé: 29.07.2015, )

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Deux phénomènes peuvent amener à une manipulation dans la prise en compte des informations par notre conscience : --> Le mirage qui voile et cache la vérité derrière les brumes de la sensiblerie et de la réaction émotionnelle. --> L’illusion qui est une interprétation limitée de la vérité cachée par le brouillard des pensées imposées. Celles-ci apparaissent alors comme plus réelles que la vérité qu’elles voilent, et conditionnent la manière dont est abordé la réalité … A notre époque médiatisée à outrance, notre vigilance est particulièrement requise !
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