Droites de souche

Charlie Hebdo – 12/08/2015 – Gérard Biard –
humeur_554Ils sont rigolos, les candidats aux primaires républicaines américaines. Enfin, « rigolos » n’est peut-être pas le terme le plus approprié. Disons qu’ils sont intéressants. Ils illustrent jusqu’à l’absurde le chemin qu’emprunte la droite « classique », dans ce qu’il est convenu d’appeler « les grandes démocraties occidentales » : celui d’une radicalisation parfaitement assumée et décomplexée, qui rend de plus en plus floue la frontière qui est censée la séparer de l’extrême-droite. Certes, nous sommes aux  États-Unis, et le curseur de la vie politique n’y est pas le même que chez nous. En France, Hilary Clinton s’appelerait Juppé ou Bayrou. Quant aux politiciens républicains, ce sont pour la plupart d’indécrottables conservateurs, doublés de cul-bénits appliqués, soit par franche conviction, soit par souci d’être raccord avec leur électorat. Et c’est encore plus vrai depuis l’émergence et de succès des Tea Party.
Mais, cette fois la barre est placée haut, comme on a pu le constater ors du premier débat, qui, la semaine dernière, a opposé les dix candidats les mieux placés dans les sondages. Au point que, puisque la tradition médiatique impose de désigner un « modéré » – il faut bien justifier la présence des « experts politiques » qui défilent sur les plateaux-, c’est Jeb Bush qui s’y colle. Le simple fait qu’il soit marié à une immigrée mexicaine et qu’il se prononce pour la régularisation d’une partie des sans-papiers latinos suffit à l’étiqueter « centriste », bien qu’il se revendique pro-vie acharné et fervent partisan de la doctrine juridique du « stand-your-ground » – littéralement « défends ton sol » -. Ce qui permet de tirer une balle dans la tête de l’inconnu qui pénètre dans votre jardin et vous demande du feu pas assez poliment et d’obtenir l’immunité de toutes les poursuites – invoquée lors du meurtre en 2012, de Trayvon Martin, jeune black de 17 ans, par George Zimmerman, elle fut retenue par le tribunal qui acquitta le flingueur…
Républicains partout
Il est vrai que Bush Jr. fait preuve d’une pudeur de violette si l’on compare ses déclarations aux outrances de Donald Trump – chouchou actuel des électeurs républicains -, qui promet de dresser un mur le long du Rio Grande pour empêcher les Mexicains, « violeurs, drogués et criminels » de franchir la frontière, qui proclame que le concept de réchauffement climatique a été réé par les Chinois, pour affaiblir la compétitivité américaine et qui se demande si Hilary Clinton est capable de « satisfaire son mari… » Mais, hormis ses saillies qui font le régal des médias, sur le fond, pas grand chose ne distingue vraiment le milliardaire new-yorkais de ses adversaires, qui sont tous peu ou prou Colt au poing sur la question des taxes, du réchauffement climatique, de l’immigration, de l’IVG, du mariage gay et, bien sûr, des armes à feu et de la peine de mort. Seul le degré de radicalisation varie. Et le fait que, une fois les primaires gagnées, l’heureux élu « recentrera » probablement son discours pour tenter d’élargir son électorat ne change rien à la réalité politique, « droite modérée » est un oxymore. Un peu comme « féminisme islamique ».
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Dix candidats, masculins, apparemment clonés…
Et cela se vérifie dans bien d’autres pays européens. A commencer par la France, où Sarkozy et ses mal nommés républicains marquent le FN à la culotte, mais sans l’empêcher de jouer, bien au contraire.A mesure que les gauches « de gouvernement » abandonnent toujours plus de leurs convictions, aussi bien sociales qu’économiques, les droites, elles aussi, bougent. Le clivage gauche-droite existe toujours mais il s’est déplacé, et pas qu’un peu, vers la droite. En équilibre instable sur un table que l’on soulève par un bord, la politique glisse du côté ou elle va tomber. 
Encore une fois, c’est vrai, nous sommes aux États-Unis où tout n’est qu’excès. Rions bien avec les candidats républicains américains. Parce que, après, en 2017, c’est notre tour Et sans doute trouvera-t-on ça moins drôle…

A propos werdna01

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