Le grand bond en arrière : comment le gouvernement chinois a fait gonfler la bourse jusqu’à explosion.

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Un retraité chinois consulte les cours de la bourse, à Shanghai.
Qui dit krach, dit bulle spéculative. En la matière, le gouvernement chinois n’a plus rien à envier aux marchés américains. Sur l’année écoulée, il a fait tout ce qu’il fallait pour que le cours de la bourse de Shanghai flambe… et explose.
Car avant de dégringoler de 40,5% par rapport à son plus haut du 12 juin, l’indice de la capitale économique avait connu une envolée de 131% depuis août 2014.
Pour bien saisir sa responsabilité, il faut rembobiner quelques années en arrière, aux origines du boom chinois. Depuis qu’elle a rejoint l’OMC en 2001, la recette de croissance de la Chine était assez simple: une économie tournée vers l’exportation, grâce à une main-d’oeuvre bon marché et un taux de change avantageux.
Le succès a été fulgurant. Il a permis à la Chine de s’imposer comme la deuxième puissance économique mondiale, surclassant tour à tour la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, puis le Japon.
Pourtant, à compter de 2006/2007, la belle mécanique a commencé à se gripper. Comme le Japon dans les années 80, puis Taiwan dans les années 90, la Chine est désormais confrontée à une forte hausse des salaires de la main d’œuvre. Le rythme de croissance, toujours élevé, ralentit. « Le problème majeur de la Chine aujourd’hui, c’est qu’elle a eu un coût de production accru sans montée en gamme. Depuis fin 2013, elle perd des parts de marchés à l’international », témoigne Daniel Gerino, PDG de Carlton Selection.
La crise des subprimes a fini de convaincre la Chine qu’elle doit moins dépendre des importations des pays occidentaux. Son nouveau modèle de croissance passera donc par le marché domestique. Facile à dire… Pour y parvenir, il faut d’abord investir massivement dans les infrastructures du pays.
C’est à partir de là que le gouvernement va lorgner sur l’épargne des ménages chinois. « Le taux d’épargne est très élevé en Chine, autour de 10%. Cela représente beaucoup d’argent, alors que la Chine a un fort besoin d’investissement », décrypte Christopher Dembik, économiste chez SaxoBanque.
La machine à propagande se met en route en 2014, le gouvernement autorise les particuliers à emprunter pour investir en Bourse… Les Chinois y placent leurs économies avec enthousiasme.
Des dizaines de millions d’amateurs parient à la Bourse comme au casino
Avant 2014, 50.000 d’entre eux ouvraient en moyenne chaque semaine un compte pour boursicoter. Sur la dernière semaine de mai, le chiffre est monté à 4,4 millions, selon les autorités boursières locales. Un record. Depuis 2014, plus de 170 millions de comptes ont été ouverts.
L’écrasante majorité de ces investisseurs sont des particuliers, des retraités suivistes, endettés pour investir. Les salles de marchés deviennent des endroits pour se réunir, discuter en tapant le carton, et en pariant sur quelques actions. « Il y a un aspect culturel qui joue beaucoup. En Chine, investir en Bourse, c’est vu comme le casino, comme un jeu d’argent », explique Christopher Dembik, de SaxoBanque.
krach chine
En l’espace de quelques mois, la Bourse est devenue le nouveau passe-temps de millions de retraités chinois (Fuyang, le 25 août).
Des investisseurs amateurs qui vont en Bourse comme au casino, des intermédiaires mal encadrés, l’assurance illusoire que le gouvernement interdira un retournement du marché… Tous les ingrédients du krach sont réunis, il ne manque plus qu’une étincelle.
C’est la faiblesse inquiétante de l’économie réelle qui a sifflé la fin de la partie. « Le pays souffre d’une forte sous-utilisation de ses capacités de production: forte baisse des prix industriels, recul des investissements, avec pour conséquence une perte importante d’emplois dans une économie fortement industrialisée, a confié l’économiste Patrick Artus dans une interview au journal le Temps. Raison pour laquelle nous pensons que le taux officiel de 7% de croissance annuelle n’a aucun sens. Notre évaluation se situe plutôt autour des 2%. »
Si cette prévision est avérée, ce serait un coup de tonnerre. La Chine n’a pas connu de croissance si faible depuis la fin de l’ère Mao, en 1976… La dévaluation soudaine du yuan les 11 et 12 août – largement perçue comme un effort pour doper la compétitivité des exportations – a renforcé la nervosité.
« Les investisseurs (chinois) paniquent et vendent tous azimuts. Ils ont perdu toute confiance, et il y a de la marge pour que le marché dégringole encore », commentait Wei Wei, analyste du courtier Huaxi Securities.
Après les interventions répétées et inefficaces du gouvernement depuis fin juin pour stabiliser les Bourses (achats massifs de titres par des organismes publics), il a beaucoup perdu en crédibilité. Ce dimanche 23 août, il a annoncé que le gigantesque fonds de pension chinois allait investir une partie de ses actifs dans les Bourses locales. Sans convaincre, encore une fois…
« Les marchés financiers sont entrés dans une sorte de cercle vicieux », a indiqué à l’AFP Gui Haomin, un analyste du courtier Shenwan Hongyuan. Et on sait qui l’y a fait entrer.

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