Éoliennes : du vent et surtout plein de fric

Charlie Hebdo – 23/09/2015 – Fabrice Nicolino –
On est très loin des rêves de Reiser, il y a quarante ans. Au lieu de l’autonomie énergétique pour tous, Areva, EDF, Total Alstom ont fait main basse sur le pactole du vent. Ça rapporte et ça ment Beaucoup.
Ce n’est pas tout à fait du vent, mais ça rafraîchit. Selon un audacieux communiqué du Syndicat des énergies renouvelables (SER), « la France vient de franchir le cap des 10 000 mégawatts éoliens raccordés au réseau. […] Le parc éolien français permet d’alimenter en électricité un peu plus de 6 millions de foyers, soit plus que […] la population d’Ile-de-France ». Les communicants du SER sont d’habiles filous, car tout est vrai, bien que tout soit faux. Le premier mouvement est simpliste, mais permet de tromper le journaliste feignasse : 10 000 mégawatts, mazette, c’est du lourd ! Le deuxième est là pour achever le gogo : 6 millions de foyers, c’est au moins 13 millions de personnes !
Sans titreRien à dire, sauf que c’est bidon. Sans parler des problèmes complexes liés au stockage, donc à la distribution, etc., les problèmes techniques dus aux facéties du vent interdisent une production en continu. Ainsi, dans l’état actuel, aucun foyer n’est directement alimenté par les éoliennes, et l’électricité produite par l’énergie du vent n’est qu’un tout petit complément, soit 3,1 % du total. Car, si en 2014, la production électrique nette en France, a atteint 540,6 térawattheures (TWh), celle des éoliennes ne compte que pour 17 TWh. Alors, pourquoi ce grand bluff du SER ? Parce qu’il lui faut épater le monde, et chaque jour un peu plus. Tu vas voir, ami lecteur, ça vaut le dérangement. Les éoliennes, même si ça n’y ressemble pas, c’est comme des vaches à lait. Le marché atteint environ 3 milliards d’euros par an, et le parc installé dépasse les 5 000 grosses éoliennes, chiffre qui pourrait doubler d’ici quelques années seulement. A la tête du SER ? Jean-Louis Bal, qui a fait ses nobles classe dans le public – il dirigeait le service des énergies renouvelables à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) – avant de mettre son carnet d’adresses au service d’industriels privés.
Du pain béni pour les élus
Et quel industriels ! On trouve au conseil d’administration du SER une magnifique bande de philanthropes EDf et Areva, mais aussi Alstom – les turbines du délirant barrage des Trois-Gorges (en Chine), c’est elle -, la Compagnie nationale du Rhône – les gros barrages dégueus de chez nous –  Total et Sofiprotéol-Avril pour les nécrocarburants. Ce très puissant lobby a, comme on se doute, de nombreux amis dans les ministères de gauche comme de droite. Et il a réussi un tour de force qui n’est pas à portée d’un débutant. Via une obscure « contribution au service public de l’électricité » (CPSE) ponctionnée sur les factures d’électricité, EDF achète sur ordre la production éolienne à un prix deux fois supérieur à celui du marché ! Qui paie donc pour le grande industrie ?
no-corruptionNous, patate. Compter 5 ou 6 milliards d’euros chaque année, selon les grands teigneux de la Fédération environnement durable (FED). Celle-ci (environnementdurable.net) est peut-être bien de droite et soutenu par l’ex-président Giscard, mais ses 1 057 associations ont souvent des histoires hallucinantes à raconter. Notamment à propos de ces armées de commerciaux déchaînés par l’appât du gain, qui font le tour de France en toutes saisons pour attirer de nouveaux candidats. Et il s’en trouve aisément, car les mieux organisés parmi ceux qui louent leurs terrains peuvent empocher jusqu’à 100 000 euros par an.
On reviendra sur ce dossier démentiel, mais il faut encore parler de la corruption qui accompagne gentiment les installations de mâts, pouvant atteindre 130 mètres de haut. Dans son rapport de 2013 publié à l’été 2014, le Service central de prévention de la corruption (SCPC) notait sans emphase : « Le développement de l’activité éolienne semble s’accompagner de nombreux cas de prise illégale d’intérêts impliquant les élus locaux. » La combine est simple : un maire rural fait voter le principe d’un parc éolien et, comme par extraordinaire, on le retrouve ensuite sur des terrains lui appartenant ou appartenant à ses proches. Depuis dix ans, les condamnations d’élus pleuvent, mais tout le monde s’en fiche. C’est si bon, le fric.
Je t’entends mal, lecteur. L’écologie dans tout ça ? Avec Alstom, Areva et Total ? Je vois que tu es blagueur.
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REISER ECOLOGIE.indd.pdf* Reiser, précurseur de l’écologie ! Tout le monde connaît le travail de Reiser humoriste. Le dessinateur, pilier de « Hara Kiri » et « Charlie Hebdo », a fait rire des générations de lecteurs avec Jeanine, Gros Dégueulasse ou La Vie des Bêtes. Mais on a oublié le Reiser inventeur et militant de l’écologie ! Reiser et l’Écologie est une anthologie des pages qu’il consacra principalement dans les années 70 à son engagement. Marée noire, pollution, laideur de l’urbanisme, nucléaire, les pires fléaux de la modernité outrancière n’échappent pas à sa plume assassine et humoristique. Mais Reiser était aussi un visionnaire, et cet album regroupe les pages de BD ou l’auteur explique comment fonctionne le solaire et les éoliennes. 35 ans avant le sommet de Copenhague, Jean-Marc Reiser se souciait déjà des générations futures. À noter que ce livre recueille près de 80 pages de bande dessinées inédites en album.

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Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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