Charlie Hebdo – 07/10/2015 -Fabrice Nicolino –
Giscard – à la Barre – et Jospin – Yoyo – viennent de filer un grand coup de main, via le Conseil constitutionnel, au lobby européen du plastique. En censurant une loi qui interdisait la production de Bisphénol A en France. La vieillesse, ce naufrage.
A-t-on le droit d’empoisonner le monde en toute conscience ? Telle est la belle question posée au Conseil constitutionnel, dont Giscard et Jospin sont les membres les plus illustres. Nos chers vieux amis ont trouvé le temps de censurer une loi difficilement accouchée en 2010. Celle qui interdisait le Bisphénol A (BPA) dans les biberons à partir de janvier 2013, et dans tous les produits au contact des aliments au 1er janvier 2015. Un ajout de 2012 avait même imposé « la suspension de la fabrication de l’importation, de l’exportation, et de la mise sur le marché de tout conditionnement contenant ou ustensile comportant du bisphénol A et destiné à entrer en contact direct avec des denrées alimentaires« .
Le bisphénol A est une merde grossière, synthétisée pour la première fois en 1891 avant que d’être redécouverte en 1953. Ce plastique polycarbonate est utilisé par l’industrie dans la fabrication des bouilloires électriques, des panneaux solaires, des téléphones portables et jusque dans celle des casques de cosmonaute. On ne peut pas détailler ici les effets du BPA sur la santé, mais ça craint follement. Le (sérieux) Réseau Environnement Santé * recense, pour la seule période 2009-2012, la bagatelle de 296 études dans le monde qui établissent des effets sanitaires chez l’homme ou l’animal, contre 16 qui n’en trouvent aucun. Au programme des conséquences : perturbations du système immunitaire, troubles de la reproduction, maladies cardio-vasculaires, diabète, obésité, cancers, troubles neurologiques.
Cette horreur plastique, donc, deux lois française qui limitent la casse sans la faire disparaître. L’industrie aurait dû s’écraser mollement, mais ce serait très mal la connaître. Tout au contraire, elle mobilise ses réseaux, montre les crocs et mord à pleine dents. Pour mieux comprendre, un tour électronique s’impose : bisphenol-a-europe.org/fr_FR Sur ce portail, qui se présente joliment comme le centre d’informations sur le bisphénol A,on vole de cadeau en cadeau, c’est Noël. Par exemple, ceci attribué sans plus de précision aux autorités sanitaires suisses en juin 2011 « L’absorption de BPA par le biais d’aliments ne présente pas de risque pour les consommateurs« .
Cet audacieux site Internet est – évidemment – aux mains du lobby PlasticsEurope constitué notamment des entreprises Covestro (ex-Bayer MaterialScience) et Trinseo (ex-Sytron). Puissant et omniprésent à Bruxelles, il influence et manipule les autorités de contrôle européennes à un point qu’on n’imagine pas en France. Et c’est bien à partir de la capitale belge qu’a été lancée l’offensive.
En mars 2015, PlasticsEurope ose soumettre au Conseil d’État une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Affirmant que 50 000 emplois sont menacés en France, le lobby constate que l’agence européenne de sécurité saniatire (EFSA) juge le BPA sans aucun danger. Le menu problème est que l’Agence européenne se noie dans les scandales et conflits d’intérêts qui opposent entre autres certains de ses cadres à l’industrie chimique.
Passe-passe constitutionnel
Mais revenons au Conseil constitutionnel, le seul à pouvoir répondre sur le fond, si l’on ose écrire. Notre assemblé cacochyme vient de donner partiellement raison à PlasticsEurope, d’une manière qui réjouira le cœur des démocrates sincères. Dans son immense sagesse de vieillard qui n’en a plus rien à foutre, le Conseil lève l’interdiction de la fabrication en France et de l’exportation depuis la France de contenants farcis au BPA. Mais valide l’interdiction de la commercialisation et de l’importation en France. autrement dit : l’industrie du plastique française peut produire et exporter sa merde, mais pas la vendre en France. Le tout au nom de la délicieuse « liberté d’entreprendre ».
PlasticsEurope, qui sent la victoire totale à portée de main, veut que la Commission européenne torde le bras de la France, ce qui ne devrait pas être difficile. Selon l’un de ses chefaillons, Michel Loubry, « la décision du Conseil constitutionnel est pour nous une première étape ». C’est clair, non ?
* Communiqué de presse du Réseau Environnement Santé (18 septembre 2015) – Bisphénol A : la liberté d’entreprendre ne peut pas être synonyme de la liberté d’empoisonner
Italie : Du chardon pour remplacer le plastique
À Milan comme dans toute l’Italie, le sac plastique à base de pétrole est désormais interdit. Dans le pays, les sacs sont en chardon de Sardaigne, une matière première tout à fait surprenante. Au milieu de la Méditerranée, les fermiers en cultivent 500 hectares. La récolte a lieu fin août.
Tout est ensuite stocké. Les fleurs de ces chardons recèlent un trésor, aussi précieux qu’un baril de pétrole, des graines noires. De ces graines, on peut tirer une huile qui permet de fabriquer du plastique végétal, 100% biodégradables. Les graines prennent ensuite la direction de la bioraffinerie, un ancien site pétrolier reconverti après sa fermeture. Dans cette usine, l’huile des graines est raffinée, elle passe ensuite par des kilomètres de tuyau, des chaudières à haute pression afin d’obtenir une poudre blanche. Cette poudre blanche est la matière première des sacs en plastique végétal. La culture du Chardon peut se pratiquer sur des terres pauvres et ne demande que très peu d’entretien.
Dernièrement plusieurs pays se sont engagés dans cette voie à l’instar de l’Espagne ou l’Irlande qui a totalement interdit la production, la vente et l’utilisation des sacs plastiques. Ainsi l’Australie a annoncé, le 9 janvier dernier, que le pays mettrait fin à l’usage des sacs plastiques dans les supermarchés à la fin de l’année.
Entre les biocarburants et les bio plastiques, l’agriculture semble donc avoir la lourde charge de prendre le relais d’une économie basée sur le pétrole. Le défi environnemental d’une agriculture plus »propre » est donc de taille !