Apocalypse now en Californie

Charlie Hebdo – 30/09/2015 – Fabrice Nicolino –
Les pionniers américains se croyaient très malins en bâtissant des villes entières dans le désert. L’eau y est venue après. Mais une sécheresse inconnue de mémoire d’homme est en train de changer un État de près de 40 millions d’habitants en un barbecue géant. Pendant ce temps, à Los Angeles, les habitants se disputent la flotte pour arroser leurs pelouses géantes. 
Commençons par un cas d’exemple. Il y a ceux qui ne connaissent pas l’acteur Tom Selleck et qui ont bien raison. Mais il faut penser aux autres, ceux qui ont adoré Les feux de l’amour, Drôles de dames ou Magnum. Donc, Selleck, comme tous les has been de Californie, il a un ranch, des hectares de pelouse, de gros besoins en eau. Surveillé de 2013 à 2015, Selleck a été chopé à détourner de vastes quantités de flotte destinées à la lutte contre les incendies. Pour avoir un gazon resplendissant devant sa porte. Le bon citoyen. Faut le comprendre : les autres sont obligés, là-bas, de recourir à des sociétés spécialisées, qui peignent en vert les entours craquelés des belles maisons de la région, qui crèvent de soif et de chaleur. Pour ceux qui sont intéressés, contacter Mirage Lawn Painting (miragelownpainting.com). 
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La Californie, ami lecteur, est en train de nous jouer un de ces films catastrophe qui ont fait la réputation d’Hollywood. Comme un avant-goût d’apocalypse, mais qui ferait flipper pour de vrai. En ce moment même, des incendies déments ravagent les forêts par dizaines de milliers d’hectares.Les seuls feux de la région de San Francisco ont détruit des milliers de bâtiments et d’habitations. Celui de Fresno a réduit en poudre grise une surface équivalente à six fois celle de Paris.
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Victime d’une sécheresse exceptionnelle, la Californie connaît depuis le 29 juillet une série d’incendies. Plus de 9.000 pompiers luttent actuellement contre les flammes. © Idé
Ce grand merdier ne serait encore rien si la Californie ne connaissait une sécheresse sans précédent. Ne surtout pas penser à notre misérable canicule de 2003. Dans ce pays où l’on voit si grand, les éléments jouent eux aussi les gros bras. Il ne pleut pas, il ne pleut (presque) plus depuis bientôt cinq ans, et des villes entières, comme San Francisco, connaissent de sorts voisins de celui du désert de Mojave, l’un des plus secs de la planète. Les météorologues voient leurs modèles exploser les uns après les autres, et on se dispute pour savoir si un tel phénomène se produit tous les cinq cent ans, tous les mille ans ou pourquoi pas davantage.
En attendant le déluge…
Certains jours, les pompiers admettent que la situation, hors de contrôle, doit être considérée comme une catastrophe naturelle et traitée comme telle. Ils conseillent, autrement dit, d’attendre que cela se termine, avant de compter les morts et les dégâts. Une chose est certaine : l’agriculture intensive a pris un énorme coup dans le nez. La Californie et surtout la Central Valley – bande de 720 kilomètres qui court du nord au sud de l’État – est devenue en quelques décennies le plus gros producteur d’amandes, de tomates, de raisin, d’abricots, d’asperges et de brocolis de tous les États-Unis. Par quel miracle une région semi-désertique – elle l’est, elle l’était – est-elle devenue l’une des plus productives au monde ? Grâce à l’eau souterraine, legs de centaines de siècles passés.
0410_shadoks_tiers_1Et bien sûr, les gros nazes que nous connaissons si bien chez nous n’ont cessé de pomper jusqu’au délire. Or la nappe phréatique n’est pas inépuisable, et les plus gros producteurs sont obligé de forer désormais à 600 mètre et de payer jusqu’à 1 million de dollars pour un seul puits profond. Des phénomènes de dépression liés à l’abaissement de la nappe entraînent de plus en plus souvent des affaissements de la vallée elle-même.  Comme on le voit, c’est guilleret. Et qu’en sera-t-il demain et après-demain, sur fond de dérèglement climatique général ? Aucun politique américain ne se hasarde à fournir la moindre réponse, et pour cause. Le petit père Obama vient de proclamer « major disaster » la situation en Californie, l’équivalent de notre « état de catastrophe naturelle », ce qui fait une belle jambe aux arbres, aux eaux, aux morts. 
L’Amérique des pionniers a transformé une région aride en pays de Cocagne, avant de se heurter à ce mur infranchissable qu’on appelle un écosystème. Los Angeles, devenue ville en 1850, avec 1834 habitants, aurait pu garder son paysage de maquis et de broussailles parsemé de cactus. Au lieu de quoi on est allé chercher l’eau à 400 kilomètres, en détournant la rivière Owens, alimentée par la fonte des neiges sur les Rocheuses. mais il n’y aura bientôt plus de neige.   

A propos werdna01

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