Les mauvais patrons chassent les bons

Siné Mensuel N°46 octobre 2015 – Pirre Concialdi –Sans titre
Faire primer les accords d’entreprise sur la loi, comme le proposent les « réformateurs » du code du travail, ne peut qu’enclencher un énorme processus de régression sociale. Ceux qui affirment le contraire veulent nous embarquer dans un monde patronal imaginaire.

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Les patrons ne sont pas tous des vampires polymorphes ni des pervers lubriques dont la seule obsession serait de sucer la moelle des salariés jusqu’à leur racler l’os, juste pour que ça fasse encore plus mal. Tous ne programment pas des réunions de travail 10 minutes avant la fin de la journée (de travail précisément) et n’abreuvent pas leurs employés de remarques vexatoires pour leur faire sentir « qui est le chef » et les baisser dans l’humiliation de la soumission.
Lorsqu’ils sont mâles (dans 75 % des cas pour les dirigeants de société), tous n’abusent pas de pouvoir pour proposer au sexe opposé (ou de leur goût) des massages relaxants au motif que « c’est bon pour la productivité). Non, il faut être lucide et honnête. La plupart des patrons ont juste pour ambition de faire un maximum de pognon (ils « maximisent leurs profits ») sans dézinguer outre mesure leurs salariés, c’est-à-dire en respectant les règles du jeu, à savoir le code du travail.
it_contagieux220Mais pour être tout à fait réaliste et honnête et ne pas sombrer dans une béatitude naïve aussi affligeante qu’hypocrite, il existe tout aussi certainement des patrons voyous, sans parler des gangsters qui s’affublent d’un col blanc financier.  Ces patrons sans scrupules usent déjà de tous les procédés pour satisfaire leur soif de pouvoir et de domination. Ils contaminent, par ricochet, les autres partons incapables de soutenir cette concurrence souvent illégale. Dans le monde politique, l’effet de contagion est tout aussi garanti : il suffit d’un Macron pour faire craquer le peu de vernis qui reste encore à la social-démocratie. Le seul rempart contre ces nuisibles, c’est la loi commune. Donner à ces patrons voyous la possibilité de conclure des accords dérogatoires à la loi, même « majoritaires », c’est lever les derniers garde-fous qui restent pour protéger les salariés. C’est ce que pratiquaient sans honte des entrepreneurs anglais il y a cent cinquante ans, comme le rapportait à l’époque un certain Karl M. : « La concurrence avec les autres capitalistes ne nous permet pas de limiter volontairement le temps de travail des enfants… tout bien considéré, nous sommes arrivés à la conviction qu’une loi coercitive est nécessaire. » 
Aujourd’hui, rien n’interdit de faire appliquer dans les entreprises des dispositions différentes de la loi, à condition qu’elles soient plus favorables aux salariés. Inverser la hiérarchie des normes en faisant primer des accords dits « dérogatoires » sur la loi ne pourra que favoriser une régression sociale que la pression de quelques patrons voyous imposera aux autres.

A propos werdna01

Hors des paradigmes anciens et obsolètes, libérer la parole à propos de la domination et de l’avidité dans les domaines de la politique, de la religion, de l’économie, de l’éducation et de la guérison, étant donné que tout cela est devenu commercial. Notre idée est que ces domaines manquent de générosité et de collaboration.
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