Les loups sont entrés chez les Ch’tis

Charlie Hebdo – 04/11/2015 – Patrick Chesnet –

Le « Grand Nord » est-il déjà entre les mains du FN ? C’est en tout cas le sentiment qu’on a en visitant cette France « d’en haut », celle qui est frontalière avec la Belgique. 

A quelques semaines du scrutin des régionales, le nom qui revient sur toutes les lèvres est celui de Marine Le Pen. Quant aux autres postulants, Xavier Bertrand, chef de file des Républicains qui rêve de réunir justice et police sous un même ministère de l' »Autorité » et d’envoyer l’armée à Calais, ou Pierre de Saintignon, qui tente de sauver un Parti socialiste encore hégémonique il y a peu, c’est tout juste si l’on entend parler d’eux. Inaudibles et, surtout, peu crédibles. « De vieux briscards de la politique dont les discours puent la com’ et sonnent faux« , selon un agriculteur à la retraite qui déplore que désormais, « le seul qui donne cette impression de parler vrai, c’est le FN« .

Lors du défilé Front national le 1er mai 2012 / Crédits : A.Ga

Et encore… Car certains, notamment chez les plus jeunes trouvent le discours du FN un peu light et préfèrent se tenir sur ses marges. A l’image des membres de Sauvons Calais. Apparu en octobre 2013, ce groupuscule se présente comme un « collectif citoyen de lutte contre l’immigration, les associations de pro-clandestins et la préférence étrangère« . Ses références idéologiques sont on ne peut plus claires : croix gammée tatouée au-dessus du cœur pour son dirigeant, un gamin d’une vingtaine d’années, crâne ras’, bombers et tee-shirt à la gloire des Waffen-SS pour ses membres, qui n’hésitent pas à lever les bras dans les manifs. et, pour faire passer leur message, « On est chez nous ! » les nazillons recourent aux bonnes vieilles méthodes déjà éprouvées de l’attaque contre les migrants, de l’intimidation permanente, du fichage et du tabassage de militants associatifs. On parle également ces derniers temps de « ratonnades » dans le Calaisis. 

Si les manifs organisées par ce groupe rassemblent encore peu, tout au plus quelques centaines de personnes, les 18 726 « J’aime » de sa page Facebook montrent que la contamination elle, a bien commencé.

Spirale infernale

Car ils ne sont pas les seuls. A Lille, c’est Génération identitaire – tout est dit dans son nom – qui se fait remarquer. En organisant notamment des patrouilles de « sécurisation » dans le métro, afin d’offrir aux passagers une « présence dissuasive aux bandes de racailles« , et en n’hésitant pas à proposer ses services au préfet. Et puis il y a les inconnus, les non-répertoriés, qui, fin juin, dans le bourg de Terdeghem, à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Calais, incendiaient en pleine nuit la maison du président d’une association d’aide aux migrants. Et qui courent toujours dans le nature.

Derrière cette nébuleuse néonazie, organisée ou non, gravitent quelques noms plus connu. C’est le Parti de la France, de Carl Lang, qui fut l’un des proches de Jean-Marie Le Pen jusqu’en 2008; c’est l’Oeuvre française et ses Jeunesses nationalistes, toutes deux dissoutes en 2013 après le meurtre à Paris de Clément Méric, et dont les présidents respectifs, Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac, continuent de sévir; c’est Nation, mouvement identitaire francophone belge à la devise pétainiste « Travail, Famille, Patrie » , qui entretient des liens étroits avec les Allemands du NPD ou encore les Grecs d’Aube dorée; sans oublier les nationalistes flamands du Vlaams Belang, dont l’influence déborde largement sur la Flandre française… Et tous pourraient bien se montrer encore plus agressifs, plus gourmands, encas de victoire du FN.