État d’urgence : le Droit dans tous ses états

Le Canard Enchaîné – 18/11/2015 – L.-M. H. –
Après un violent traumatisme, les psychiatres conseillent toujours à leurs patients de ne prendre aucune décision importante. Il nous faut attendre que la raison l’emporte sur l’émotion. Ce conseil avisé devrait être suivi par les responsables politiques. Pas seulement pour s’éviter une place de choix dans un bêtisier, mais pour épargner de fâcheux dérapages à notre État de droit.
3299251268_2L’horreur de ce 13 novembre est telle, les témoignages qui tournent en boucle sur les chaînes d’info, sont à ce point bouleversants que plus rien ne résiste à l’envie d’en découdre. « C’est la guerre », répète le général Hollande. Sonnons la charge, sus à l’ennemi ! Qui, dans cette ambiance belliqueuse et vengeresse, osera ergoter sur les moyens à mettre en œuvre et les armes à utiliser ? Tous les moyens, toutes les armes !Et de proposer de nouvelles mesures, de nouveaux moyens, de nouvelles lois. C’est une constante : après un drame, un attentat, la classe politique découvre soudain que l’arsenal législatif n’est qu’un sabre de bois, une guimauve molle dont se nourrit le crime. Ainsi, Sarkozy vient-il de constater avec effroi que le Code pénal, qu’il a lui-même fait modifier trois ou quatre fois, n’est qu’un lit douillet pour les terroristes.
Alors que nos morts ne sont toujours pas enterrés, les blessés toujours sur les tables d’opération, les bougies encore allumées, l’accusation d’inaction et de laxisme est, pour le pouvoir, absolument insupportable. Voici donc, en simple hors d’œuvre, l’état d’urgence proclamé pour trois mois. L’état d’urgence, c’est-à-dire la réduction de l’État de droit, la restriction des libertés publiques au profit de l’autorité administrative, habilitée à user d’une dose d’arbitraire, sans contrôle de l’autorité judiciaire. Le gouvernement peut même, si ça lui chante, instaurer un contrôle de la presse, de la télé, des spectacles.
mix-urgence1-400x250Déjà des dizaines d’assignations à résidence ont été prononcées. Sur simple soupçon. Des perquisitions sans autorisation d’un juge sont effectuées chaque nuit. Pour la bonne cause, et provisoirement. Mais Hollande annonce une deuxième salve, avec une réforme constitutionnelle, une nouvelle version, modernisée, de l’état de siège. et quelques modifications législatives. un nouvel arsenal qui, cette fois, promis-juré, nous protègera efficacement. Mais ces réformes de circonstance, adoptées sous le coup de l’émotion, ont un défaut : elles durent. Elles survivent à l’évènement qui les a justifiées. Au menu aujourd’hui, une louche de contrôle en plus, une rasade de déchéances de nationalité, quelques pincées de vie privée en moins, des reconduites à la frontière sans aucun recours et des policiers armés, même hors service.
Ce sera, proclame le maréchal Hollande, notre nouvel « État de droit ». De recul en abandon, il aura juste un peu maigri notre cher « État de droit ». Et, au bout du chemin, deux ou trois attentats et autant réformes plus tard, se profile à l’horizon quelque chose qui ressemble à Guantanamo. Et à un Patriot Act à la française. Tout ça, bien sûr, pour défendre bec et ongles « nos valeurs ». Enfin, ce qu’il en restera.
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Le USA PATRIOT Act (acronyme traduisible en français par : « Loi pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme ») est une loi antiterroriste qui a été votée par le Congrès des États-Unis et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001. L’un des axes centraux de ce long texte (132 pages) est d’effacer la distinction juridique entre les enquêtes effectuées par les services de renseignement extérieur et les agences fédérales responsables des enquêtes criminelles (FBI) dès lors qu’elles impliquent des terroristes étrangers. Elle crée aussi les statuts de combattant ennemi et combattant illégal, qui permettent au gouvernement des États-Unis de détenir sans limite et sans inculpation toute personne soupçonnée de projet terroriste. Dans la pratique cette loi autorise les services de sécurité à accéder aux données informatiques détenues par les particuliers et les entreprises, sans autorisation préalable et sans en informer les utilisateurs. (source Wikipédia)

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